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voir en ces jours, où le grand marché, qu’on pouvait bien appeler une foire, venait justement de s’ouvrir. Le prince avait fait, la veille, une promenade à cheval avec son épouse parmi les flots des marchandises entassées, et lui avait fait observer comme la montagne faisait là d’heureux échanges avec la plaine ; il savait, sur les lieux mêmes, la rendre attentive à l’activité de ses domaines.

Ces jours-là, le prince ne s’entretint guère avec ses alentours que de ces objets, qui l’absorbaient, et il travailla surtout assidûment avec le ministre des finances. Cependant le grand veneur ne perdit pas ses droits, et, sur ses représentations, il fut impossible de résister à la tentation de mettre à profit ces jours d’automne, pour entreprendre une chasse déjà différée, et se donner à soi-même, et aux nombreux étrangers qui étaient arrivés, une fête rare et singulière.

La princesse fut très-fâchée de rester au logis. On avait résolu de pénétrer bien avant dans la montagne, et de troubler, par une expédition inattendue, les paisibles habitants de ces bois.

À son départ, le prince ne négligea point de proposer à la princesse une promenade à cheval, qu’elle devait faire en la compagnie de Frédéric, l’oncle du prince.

« Je te laisse encore, ajouta-t-il, comme écuyer et page, Honorio, qui aura soin de tout. »

En conséquence, il donna, en descendant l’escalier, les ordres nécessaires à un beau jeune homme, et disparut bientôt avec ses hôtes et sa suite.

La princesse, qui avait suivi des yeux son époux jusque dans la cour, et l’avait salué en agitant son mouchoir, se retira dans les chambres de derrière, d’où se découvrait, sur les montagnes, une perspective d’autant plus belle, que le château même, s’élevant du pied à quelque hauteur, présentait, soit par devant, soit par derrière, divers points de vue remarquables. La princesse trouva l’excellent télescope comme on l’avait laissé la veille, après s’être amusé à observer, par-dessus les montagnes et la cime des bois, les hautes ruines de l’antique manoir de famille, qui ressortaient admirablement aux derniers rayons du soleil, les grandes masses d’ombre et de lumière pouvant alors donner