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LES BONNES FEMMES.

menade, où nous avions été si souvent ensemble, il semblait me chercher et m’annoncer, lorsqu’il s’élançait des buissons. C’est ainsi que ma chère Meta [1] rêva quelque temps ma présence ; mais, dans le temps même où j’espérais revenir, mon absence menaça de se prolonger du double, et le pauvre chien mourut.

madame Seyton.

Maintenant, mon petit mari, un récit sincère, gentil et raisonnable.

Seyton.

Ma chère, tu es libre de me contrôler. Mon amie trouvait la maison vide, la promenade sans intérêt ; le chien, qui était d’ordinaire couché auprès d’elle, quand elle m’écrivait, lui était devenu nécessaire, comme l’animal dans l’image d’un Évangéliste ; les lettres ne coulaient plus. Il se trouva, par hasard, un jeune homme qui offrit de remplacer, au logis et à la promenade, le compagnon quadrupède. Bref, si charitablement qu’on en juge, le cas était dangereux.

madame Seyton.

Il faut te laisser dire : sans exagération, une histoire véritable est rarement digne d’être contée.

Seyton.

J’avais laissé en partant un ami commun, chez qui nous savions apprécier la tranquille connaissance des hommes et du cœur humain. Il visitait quelquefois mon amie, et il avait remarqué ce changement. Il observait en silence la chère enfant, et, un jour, il entra chez elle avec un lévrier tout pareil à l’autre. Les charmantes et cordiales paroles dont mon ami accompagna son présent, la soudaine apparition d’un favori, qui semblait sortir du tombeau, le secret reproche que se fit, à cette vue, le sensible cœur de mon amie, rappelèrent tout à coup mon image avec une grande vivacité ; le jeune remplaçant à figure humaine fut écarté poliment, et le nouveau favori ne cessa pas d’être un compagnon fidèle. Lorsqu’à mon retour, je pressai de nouveau ma bien-aimée dans mes bras, je crus retrouver l’ancien lévrier, et je fus bien surpris de m’entendre aboyer rudement,

  1. Forme abrégée, pour Marguerite.