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A ces mots, il prit la belle dans ses bras ; elle avait rejeté son voile, et ses joues se couvrirent d’un plus bel et plus durable incarnat. Le vieillard dit en souriant :

« L’amour ne règne pas, il instruit, et cela vaut bien mieux. »

Au milieu de cette solennité, de ces joies, de ce ravissement, on n’avait pas observé que le jour était tout à fait venu ; et tout à coup, à travers la porte ouverte, des objets tout nouveaux frappèrent les yeux de la compagnie. Une grande place entourée de colonnes formait l’avant-cour, à l’extrémité de laquelle on voyait un pont magnifique, dont les arches nombreuses s’étendaient à travers le fleuve ; il était pourvu des deux côtés de commodes et superbes colonnades à l’usage des voyageurs, dont il s’était déjà trouvé des milliers, qui allaient et venaient diligemment. La grande avenue du milieu était animée par des troupeaux, des mules, des cavaliers et des voitures, qui, sans se faire obstacle, circulaient à longs flots ; ils semblaient tous s’émerveiller d’un ouvrage si commode et si magnifique ; et autant le nouveau roi et son épouse trouvaient de bonheur dans leur amour mutuel, autant le mouvement et la vie de ce grand peuple leur causaient de ravissement.

« Bénis la mémoire du serpent, dit le vieillard : tu lui dois la vie ; tes peuples lui doivent le pont par lequel ces rives voisines sont animées et réunies. Ces pierreries nageantes et brillantes, restes de son corps sacrifié, sont les bases de ce pont superbe ; c’est sur elles qu’il s’est bâti de lui-même, et qu’il se maintiendra. »

On allait lui demander l’explication de cet étrange mystère ; soudain quatre jeunes filles se présentèrent à la porte du temple. A la harpe, au parasol, à la chaise d’ivoire, on reconnut d’abord les compagnes du Lis ; mais la quatrième, la plus belle, était une inconnue, qui, jouant avec elles comme une sœur, traversa vivement le temple, et monta les degrés d’argent.

« Me croiras-tu désormais, ma chère femme ? dit à la belle le maître de la lampe. Heureuse es-tu ! heureuse toute créature qui se baignera ce matin dans le fleuve ! »

La vieille, embellie et rajeunie, et qui n’avait pas conservé