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Déjà l’amie s’était couchée, et la femme de chambre, après avoir allumé la veilleuse, allait se mettre dans l’autre lit auprès de sa maîtresse, quand celle-ci lui dit en riant :

« Nous sommes ici au bout du monde, et le temps est affreux : pourrait-il bien nous trouver ici ? »

A l’instant même, il se fit entendre plus fort et plus effroyable que jamais. L’amie crut que l’enfer était dans la chambre. Elle saute à bas du lit, elle court, dans l’état où elle se trouve ; elle descend l’escalier et appelle toute la maison. Personne ne ferma l’œil de la nuit. Mais ce fut aussi la dernière fois que la voix se fit entendre. Par malheur l’hôte fâcheux eut bientôt une nouvelle manière, plus importune, d’annoncer sa présence.

Il était demeuré quelque temps en repos, lorsqu’un soir, à l’heure accoutumée, comme Antonelli était à table avec sa société, une explosion, pareille à celle d’un fusil ou d’un pistolet fortement chargé, partit de la fenêtre dans la chambre. Tout le monde entendit le coup ; tout le monde vit le feu : mais, après un examen attentif, on trouva que le carreau n’avait pas la moindre atteinte. Cependant la société considéra l’incident comme trèsgrave, et tout le monde fut persuadé qu’on en voulait à la vie de la belle. On court à la police, on visite les maisons voisines, où l’on ne trouve rien de suspect ; on y place le lendemain des gardes du bas en haut ; on visite exactement la maison où demeure la chanteuse ; on distribue des espions dans-la rue.

Toutes ces précautions furent vaines. Trois mois de suite, à la même heure, l’explosion se fit par la même fenêtre, sans endommager le carreau, et, ce qui était plus remarquable, toujours exactement une heure avant minuit : car, d’ordinaire, on compte à Naples d’après l’horloge italienne, dans laquelle minuit ne fait pas une époque particulière *.

On finit par s’accoutumer à ce bruit, comme à l’autre, et l’on passa aisément à l’esprit son innocente malice. Le coup partait quelquefois sans effrayer la société, ou sans interrompre la conversation.

Un soir, après une journée très-chaude, la belle, sans songer


1. Parce que le cadran est divisé en vingt-quatre heures, h partir de six heures du soir, qui commence la journée.