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penchants de notre cœur. Dites-moi, mon ami, en quoi consiste votre recueil ? Nous sera-t-il un amusement utile et convenable ? Est-il commencé depuis longtemps ? Pourquoi n’en avons-nous eu jusqu’à ce jour aucune nouvelle ?

— Je vais m’expliquer, reprit le vieillard. Il y a longtemps que je vis au milieu du monde, et j’ai toujours observé avec intérêt ce qui arrive à tel ou tel. Je ne me sens ni le courage in la force de parcourir le vaste champ de l’histoire, et les événements isolés me jettent dans la confusion ; mais, parmi le grand nombre de vies privées, vraies et fausses, que l’on colporte dans le public, que l’on se transmet secrètement de bouche en bouche, il en est plusieurs qui ont un attrait plus noble et plus pur que l’attrait de la nouveauté ; plusieurs, qui, par un tour spirituel, peuvent prétendre à nous récréer ; plusieurs, qui nous révèlent en un moment la nature humaine et ses secrets mystères ; d’autres, dont les sottises bizarres nous divertissent : parmi cette multitude d’histoires, qui occupent dans la vie ordinaire notre attention et notre malignité, et qui sont aussi communes que les hommes à qui elles arrivent ou qui les racontent, j’ai recueilli celles qui me paraissaient avoir un caractère ; qui touchaient, qui occupaient ma raison et mon cœur, et, lorsque ma pensée se reportait sur elles, me donnaient un moment de paisible et pure gaieté.

— Je suis très-curieuse, dit la baronne, d’apprendre de quel genre sont vos histoires et quel en est le fond.

— Vous pensez bien, dit le vieillard, qu’il ne sera pas souvent question de procès et d’affaires de famille : ces choses n’ont le plus souvent d’intérêt que pour les personnes dont elles sont le tourment.

LOUISE.

Que renferment donc vos histoires ?

LE VIEILLARD.

Elles s’occupent d’ordinaire, il faut que je l’avoue, des sentiments par lesquels hommes et femmes sont unis ou divisés, heureux ou malheureux, mais égarés plus souvent qu’éclairés.

LOUISE.

Vraiment ! Vous nous donnez donc probablement un recueil de plaisanteries licencieuses pour un fin divertissement ? Excu-