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peine notre sensibilité, et laisse dans un parfait repos notre intelligence. Tout homme peut, sans faire le moindre retour sur lui-même, prendre un vif intérêt à ce qui est nouveau ; et, comme une suite de nouveautés entraîne toujours d’un objet à un autre, rien ne peut être plus agréable au grand nombre qu’un pareil sujet de distraction perpétuelle, et une pareille occasion de se permettre la moquerie et la maligne joie, d’une manière commode et toujours nouvelle.

— Fort bien, dit Louise, votf s ne semblez pas être embarrassé ; jusqu’ici, on était sur le compte des individus, maintenant c’est tout le genre humain qui paye.

— Je ne demande pas, répondit le vieillard, que vous soyez jamais équitable envers moi ; je me bornerai à vous dire que nous autres, qui sommes dépendants de la société, nous devons nous former et nous régler sur elle ; que même nous pouvons mieux nous permettre de faire une chose qui l’olfense qu’une chose qui l’importune ; et il n’est rien au monde qui l’importune plus que de lui demander de réfléchir et de mé

.diter. Tout ce qui tend à ce but, il faut l’éviter, et, tout au plus, faire pour soi, en secret, ce qui est interdit dans toute assemblée.

— Pour vous, en secret, répliqua Louise, vous avez, je pense, vidé mainte bouteille et passé à dormir maintes belles heures du jour. .

— Je n’ai jamais attaché beaucoup d’importance à ce que je fais, poursuivit le vieillard, car je sais qu’auprès d’autres hommes, je suis un grand paresseux ; cependant j’ai fait un recueil qui, maintenant peut-être, procurerait à notre société, disposée comme elle est, quelques heures agréables.

— Quel est ce recueil ? dit la baronne.

— Pas autre chose, sans doute, qu’une chronique scandaleuse ! reprit Louise.

— Vous êtes dans l’erreur.

— Nous verrons.

— Laisse monsieur s’expliquer, dit la baronne, et, en général, ne t’accoutume pas à maltraiter et rudoyer les personnes même qui peuvent le souffrir comme plaisanterie. Nous ne devons pas nourrir, même sous forme de badinage, les mauvais