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« Quand votre père mourut, vos actions et vos paroles ont-elles, à chaque occasion, renouvelé chez moi cette perte irréparable ? N’avez-vous pas évité tout ce qui pouvait rappeler à contre-temps sa mémoire ? et, par votre amour, vos secrets efforts et votre complaisance, n’avez-vous pas tâché d’adoucir a douleur de cette séparation et de guérir ma blessure ? N’est-il pas maintenant plus nécessaire que chacun mette en usage ces ménagements mutuels, qui ont souvent plus d’effet que des secours bienveillants, mais sévères, maintenant qu’il ne s’agit plus de quelques rares accidents qui frappent, au milieu de la foule des heureux, telle ou telle personne, dont le malheur disparaît bientôt dans la félicité générale, mais qu’au milieu d’un nombre infini de malheureux, quelques-uns à peine jouissent, par leur caractère ou leur éducation, d’un contentement fortuit ou factice ?

CHARLES.

Vous nous avez assez humiliés, ma chère tante : ne voulez-vous pas nous tendre de nouveau la main ?

LA BARONNE.

La voici, à condition que vous ayez le désir de vous laisser guider par elle. Proclamons une amnistie ; on ne peut trop tôt s’y résoudre. »

A ce moment, entrèrent les autres dames, qui, depuis le départ, avaient encore pleuré de bon cœur. Elles ne pouvaient se résoudre à regarder gracieusement le cousin Charles.

« Approchez, mes enfants, dit la baronne. Nous avons eu un sérieux entretien, qui, je l’espère, rétablira parmi nous la paix et l’union, et nous ramènera le bon ton, qui nous manque depuis quelque temps. Peut-être n’avons-nous jamais eu un plus grand besoin de nous rapprocher et de nous distraire, du moins quelques heures par jour. Convenons de nous interdire absolument, quand nous serons réunis, tout entretien sur les intérêts du jour. Il y a bien longtemps que nous n’avons plus de conversations instructives et fortifiantes ; il y a bien longtemps, mon Charles, que tu ne nous as rien dit des États et des pays étrangers, dont tu connais si bien la nature, les habitants, les mœurs et les usages. Et vous, dit-elle au gouverneur, combien de temps n’avez-vous pas laissé dans l’oubli l’histoire ancienne et mo-