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ment dans sa vaste magnificence, et avait suivi autour d’elle la marche de ses satellites ; mais ensuite elle l’avait vue, de la manière la plus merveilleusement rare, sous l’aspect de lune décroissante,puis sous un autre aspect, comme nous paraît la nouvelle lune.

On en conclut qu’elle la voyait de côté, et qu’elle était sur le point de dépasser son orbite, pour s’élancer, dans l’espace infini, au-devant de Saturne. L’effort de l’imagination ne saurait la suivre jusque-là, mais nous espérons qu’une pareille entéléchie ne s’éloignera pas tout à fait.de notre système solaire, et qu’une fois parvenue à ses limites, elle voudra revenir sur ses pas, afin de revivre pour le bonheur de nos arrière-neveux, et de pratiquer chez eux la bienfaisance.

Sans nous étendre davantage sur cette fiction éthérée, à laquelle nous espérons qu’on fera gruce, nous revenons à la fable terrestre dont nous avons déjà dit quelques mots en passant.

Montan avait assuré, avec le plus grand air de sincérité, que cette merveilleuse personne dont les sens indiquaient si bien la différence des terrains, était déjà partie avec les premiers émigrants, ce qui aurait du cependant paraître absolument invraisemblable à un homme attentif. Comment, en effet, Montan, et tout autre à sa place, aurait-il éloigné de lui une pareille baguette divinatoire ? Peu de temps après son départ, divers propos et de singuliers récits des domestiques éveillèrent peu à peu un soupçon. Philine et Lydie avaient en effet amené avec elles une troisième femme, la présentant comme une servante, dont elle ne semblait point remplir l’office ; car elle n’était jamais demandée pour habiller ni déshabiller ses maîtresses. Son simple costume, qui allait parfaitement à son corps robuste et bien fait, avait, comme toute la personne, un air étranger. Les manières de cette femme étaient sans rudesse, mais n’annonçaient point cette politesse dont les femmes de chambre offrent toujours la caricature. Aussi trouva-t-elle bientôt sa place parmi les domestiques : elle se joignit aux jardiniers et aux laboureurs, prit la bêche et travailla comme deux. Dans ses mains agiles, le râteau volait lestement sur la terre labourée, et la plus large surface devenait unie comme une planche de jardin. Au reste elle était d’humeur fort paisible, et ne tarda pas à gagner