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vront savoir. Qui veut instruire les autres, peut bien cacher souvent la meilleure part de sa science, mais il ne doit pas savoir à demi.

— Où trouver ces maîtres parfaits ?

— Tu les trouveras fort aisément.

— Où donc ? reprit Wilhelm, avec quelque défiance.

— Aux lieux où la chose que tu veux apprendre se trouve dans son domaine. Pour recevoir le meilleur enseignement, il faut être environné de la science. N’est-ce pas dans le pays où l’on parle une langue que tu l’apprends le mieux ? dans sa patrie, en un mot, où cette langue, et cette langue seule, frappe ton oreille ?

— C’est donc au milieu des montagnes que tu es parvenu à la connaissance des montagnes ?

— Assurément.

— Sans communiquer avec les hommes ?

— Du moins pas avec d’autres que ceux qui sont en rapport avec les montagnes. Là où les pygmées, attirés par des veines de métal, percent les rochers, s’ouvrent un passage dans les entrailles de la terre, et cherchent, par tous les moyens, à résoudre les problèmes les plus difficiles, là est le lieu où le penseur, épris de la science, doit fixer son séjour. Il voit agir, travailler ; il patiente ; les succès et les échecs l’intéressent. L’utile n’est qu’une partie de ce qui importe : qui veut posséder un objet tout entier, le dominer, doit l’étudier pour lui-même. Mais, tandis que je te parle du suprême et dernier degré de la science, où l’on ne s’élève que fort tard par de nombreuses et riches observations, je vois devant nous les enfants, chez qui cela sonne tout autrement. L’enfant voudrait se mettre à tout faire, parce que tout paraît facile, quand l’exécution est parfaite. « Tout commencement est difficile ! » Cela est vrai dans un certain sens, mais on peut dire plus généralement : « Tout commencement est facile, et les derniers degrés sont plus difficilement et plus rarement franchis. »

Wilhelm, qui avait rêvé quelques moments, dit à Montan :

« Serais-tu vraiment arrivé à la conviction que l’ensemble de nos forces actives doit être décomposé dans l’enseignement comme dans la pratique ?