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réduit toujours à ce qu’il y a de plus vulgaire, à ce qui ne vaut pas la peine d’être dit.

— Tu veux éluder la question, mon ami : quel rapport cela a-t-il avec ces pierres et ces rochers ?

— Mais, si je traitais ces fentes et ces crevasses comme des lettres, si je cherchais à les déchiffrer, si j’en formais des mots, et si j’apprenais à les lire couramment, pourrais-tu me blâmer ?

— Non, mais il me semble que c’est là un bien vaste alphabet.

— Moins vaste que tu ne penses : seulement il faut apprendre à le connaître comme un autre. La nature n’a qu’une seule écriture, et je n’ai pas besoin de me traîner sur tant de griffonnages. Ici je n’ai pas à craindre, comme il arrive souvent, quand je me suis occupé longtemps avec amour de quelque parchemin, qu’un subtil critique vienne m’assurer que tout cela est apocryphe.

— Et pourtant, reprit Wilhelm en souriant, on ne manquera pas non plus ici de critiquer tes leçons.

— C’est précisément pourquoi je n’en parle à personne, et ne veux pas non plus poursuivre avec toi, que j’aime, cet échange trompeur, ce méchant tissu de vaines paroles. »



CHAPITRE IV.


Les deux amis étaient descendus, non sans peine et sans fatigue, pour atteindre les enfants, qui s’étaient assis à l’ombre. Les pierres que Montan et Félix avaient recueillies furent étalées, avec plus d’empressement peut-être que les provisions de bouche. Félix eut beaucoup de questions à faire, Montan beaucoup de choses à nommer. L’enfant était heureux de voir que son ami savait tous les noms, et il les logeait aussitôt dans sa mémoire. Enfin il produisit encore un fragment, en disant :

« Comment s’appelle celui-ci ? »