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cien monde, aussi bien que dans le nouveau, des terres qui réclament une meilleure culture que celle qu’elles ont eue jusquà ce jour. Sur l’autre bord, la nature a déployé de grandes régions, où elle règne, vierge et sauvage, en sorte qu’on ose à peine l’attaquer et engager contre elle le combat. Cependant il est facile aux bommes résolus de conquérir peu à peu sur elle les solitudes, et de s’en assurer la possession partielle. Dans l’ancien monde, c’est le contraire. Tout le sol est déjà divisé entre un certain nombre de propriétaires, et leur droit est plus ou moins consacré par un temps immémorial. Et si, en Amérique, l’espace sans limites se présente comme un obstacle insurmontable, ici, une simple borne oppose des obstacles peutêtre plus difficiles à vaincre. 11 faut- pour dompter la nature, l’industrie des hommes, la force ou la persuasion.

« Si la propriété particulière est sacrée pour la société tout entière, elle l’est bien plus encore pour le possesseur. L’habitude, les impressions d’enfance, le respect des aïeux, la haine du voisin et mille choses roidissent le propriétaire et le préviennent contre tout changement. Plus un pareil état de choses est ancien et complexe, et la propriété divisée/plus il devient difficile de procurer le bien général, qui, en prenant quelque chose à l’individu, profite à la société tout entière, et, d’une manière inattendue, par contre-coup, par coopération, à l’individu lui-même.

« Depuis nombre d’années, je gouverne, au nom de mon souverain, une province, qui, séparée de ses États, est depuis longtemps bien loin de produire ce qu’elle pourrait. Son isolement, ou, si l’on veut, son enclavement, a empêché, jusqu’à ce jour, de prendre des dispositions qui eussent permis aux habitants de répandre leurs produits au dehors, et de recevoir du dehors les choses dont ils ont besoin.

« Je gouverne le pays avec des pouvoirs illimités. Il y avait du bien à faire, mais dans d’étroites limites ; partout l’accès était fermé au perfectionnement, et les progrès les plus désirables semblaient relégués dans un autre monde.

« Je n’avais d’autre obligation que d’administrer sagement. Et quoi de plus facile ? Il ne l’est pas moins d’écarter les abus, d’utiliser les forces de l’homme, de seconder les gens indus-