Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/373

Cette page n’a pas encore été corrigée

heureuse, des effets très-favorables au domaine de cette dame, et promettait d’en augmenter dans la suite les revenus d’une manière considérable ; elle habitait son ch’iteau pendant l’été, et en faisait le théâtre des plus agréables fêtes : les jours de naissance n’étaient surtout jamais oubliés, et donnaient lieu à des plaisirs de tout genre.

Florine était gaie et folâtre, paraissant ne tenir à personne, sans demander, sans exiger l’affection. Danseuse passionnée, elle n’estimait les hommes qu’autant qu’ils savaient aller en mesure ; toujours animée dans la conversation, elle trouvait insupportable quiconque semblait un moment distrait et rêveur ; au reste ellejouait très-agréablement, dans la comédie et l’opéra, les rôles de coquettes, en sorte qu’il n’y avait jamais de rivalité entre elle et Albertine, qui jouait les ingénues.

Afin de célébrer son jour de naissance en bonne compagnie, on avait invité la meilleure société de la ville et des campagnes voisines. Le bal, commencé après déjeuner, s’était continué après dîner ; la fête se prolongea ; on partit trop tard, et, surpris par la nuit dans de mauvais chemins, doublement mauvais parce qu’on les réparait, le cocher se trompa et versa dans un fossé. Notre belle se trouva, avec Florine et l’ami de la maison, dans le plus fâcheux désordre. L’ami sut promptement s’en démêler, puis, se penchant sur la voiture, il s’écria : « Florine, es-tu blessée ? » Albertine croyait rêver. Il avança les bras dans la voiture, et retira Florine évanouie ; et, lui prodiguant ses soins, il l’emporta dans ses bras jusqu’au bon chemin. Albertine était encore gisante dans le carrosse : son domestique et le cocher l’en retirèrent, et, s’appuyant sur les bras de son valet, elle s’efforça de poursuivre sa route. Les chemins étaient affreux, peu faits pour des souliers de bal ; quoique soutenue par son guide robuste, elle trébuchait à chaque pas. Cependant le cœur était encore plus malade, plus déchiré : elle ne savait, elle ne pouvait se comprendre.

Mais lorsqu’elle arriva dans l’auberge, qu’elle vit Florine couchée sur un lit, dans la petite chambre, et l’hôtesse et Lélio empressés autour d’elle, elle fut certaine de son malheur ; elle devina sur-le-champ une liaison secrète entre l’infidèle ami et la perfide amie ; il fallut qu’elle vît comme Florine, ouvrant les