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rejoindrons la bonne vieille, et.nous écouterons ce que, dans son trouble et son émotion, elle va murmurant ou déclamant toute seule.

« Je l’ai prévu depuis longtemps ; je l’ai prédit ; je n’ai pas ménagé madame ; je l’ai souvent avertie : mais c’est plus fort qu’elle. Quand monsieur s’est fatigué d’affaires, tout le jour, à la chancellerie, dans la ville, à la campagne, il trouve, le soir, la maison vide ou une société qui ne lui plaît pas. Elle ne peut s’en passer ! Si elle ne voit pas du monde, des hommes autour d’elle, si elle ne roule pas en voiture de çà et de là, si elle ne peut défaire et refaire sa toilette, il semble qu’elle étouffe. Aujourd’hui, l’anniversaire de sa naissance, elle part dès le matin pour la campagne. Bon ! En attendant, nous préparons tout ; elle donne sa parole qu’elle sera de retour à neuf heures. Nous sommes prêts : monsieur fait réciter aux enfants un joli compliment, qu’ils ont appris par cœur ; ils sont parés ; les lampes et les bougies, le bouilli et le rôti, il ne manque rien…. elle ne vient pas ! Monsieur a bien de l’empire sur lui-même ; il cache son impatience : elle éclate enfin. 11 sort de la maison, si tard : pourquoi ? C’est clair ! Mais où va-t-il ? J’ai souvent menacé madame de rivales : c’était mon devoir. Je n’ai rien remarqué encore chez monsieur ; une belle dame le guette depuis longtemps, lui fait des avances. Qui sait comme il a résisté jusqu’à présent ? Maintenant il éclate ; le désespoir de voir sa bonne volonté méconnue le pousse de nuit hors de la maison : tout est perdu. J’ai dit à madame plus d’une fois de ne pas aller trop loin. »

Revenons à notre ami pour l’écouter lui-même.

« Je vis de la lumière au rez-de-chaussée de la grande auberge : je heurtai à la fenêtre, et demandai au garçon, d’une voix qui lui était connue, si des étrangers n’étaient pas arrivés ou ne s’étaient pas fait annoncer. Déjà il avait ouvert la porte pour me répondre négativement et me prier d’entrer. Dans ma situation, je trouvai à propos de continuer cette fable ; je lui demandai une chambre- qu’il me donna tout de suite au deuxième étage. Je le laissai croire que le premier devait être réservé pour les étrangers attendus. Il se hâta de faire quelques préparatifs ; je le laissai faire, et je garantis le payement. Ces choses faites,