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élevée, où elle me fit déposer la cassette ; après quoi, elle me dit :

« Adieu ! tu retrouveras bien aisément la route. Pense à moi : j’espère te revoir. »

A ce moment, il me sembla que je ne pourrais la quitter. Elle se retrouvait justement dans son beau jour, ou, si l’on veut, sa belle heure. Se trouver seul, avec une si charmante personne, dans une verte prairie, parmi les fleurs et le gazon, entouré de rochers protecteurs, de ruisseaux murmurants…. est-il un cœur qui fût resté insensible ? Je voulus lui prendre la main, la serrer dans mes bras : elle me repoussa, et, toujours avec douceur, me menaça d’un grand danger, si je ne m’éloignais pas sur-lechamp.

« Est-il donc absolument impossible, m’écriai-je, que je demeure avec toi, que tu me gardes auprès de toi ? »

J’accompagnai ces paroles de gestes et de plaintes si lamentables, qu’elle parut émue, et, après quelque hésitation, elle m’avoua que la durée de notre union n’était pas tout à fait impossible.

Quel homme plus heureux que moi ?… Mes instances, toujours plus vives, l’obligèrent enfin à s’expliquer et à me découvrir que, si je me décidais à devenir, avec elle, aussi petit que je l’avais vue, je pouvais rester auprès d’elle, et la suivre dans sa demeure, dans son empire, au sein de sa famille. Cette proposition ne me plaisait pas tout à fait, mais eniîn je ne pouvais me séparer d’elle en ce moment. Accoutumé au merveilleux depuis assez longtemps, disposé aux résolutions soudaines, je consentis, et je lui dis qu’elle pouvait faire de moi ce qu’elle voudrait.

Aussitôt elle me fit allonger le petit doigt de la main droite, elle le pressa avec le bout du sien, ôta tout doucement, avec sa main gauche, son anneau d’or, et le fit passer à mon doigt. A peine cela était-il fait, que’je ressentis au doigt une violente douleur ; l’anneau se resserra et me fit souffrir une épouvantable torture. Je poussai un grand cri, et je tendis machinalement les mains autour de moi, pour chercher ma princesse : elle avait disparu. Ce que j’éprouvai dans cet instant, je ne saurais trouver d’expression pour le rendre, et je n’ai plus rien à dire, sinon que j’étais devenu un tout petit personnage, et me