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Je dissimulai mes doutes et mon étonnement, et je dis affectueusement à la princesse :

« Apprends-moi cependant, ma bonne amie, comment tu t’élèves à cette grande et belle taille. Je connais peu de femmes d’une tournure aussi magnifique.

— Je vais te l’expliquer, reprit ma belle. C’est une maxime, de tout temps observée dans le conseil du roi des nains, de se garder aussi longtemps que possible de toute’démarche extraordinaire, ce que je trouve moi-même tout à fait naturel et raisonnable. On aurait peut-être tardé longtemps encore à envoyer de nouveau une princesse sur la terre, si mon frère puîné ne fût pas venu au monde si petit, que les femmes chargées de sa garde l’ont laissé échapper de ses langes, sans qu’on ait pu savoir ce qu’il était devenu. Sur cet accident, tout à fait inouï dans les fastes de l’empire des nains, on a convoqué les sages, et, bref, on a résolu de m’envoyer à la recherche d’un mari.

— On a résolu ! m’écriai-je : c’est bel et bon ; on peut prendre un parti, on peut résoudre quelque chose ; mais donner à une naine cette taille divine, comment vos sages y sont-ils parvenus ?

— Nos ancêtres avaient déjà pourvu à la chose. Dans le trésor royal se trouvait un énorme anneau d’or. Je.dis énorme, parce qu’il me parut tel lorsqu’on me le montra, dans mon enfance, à la place qu’il occupait : car c’est le même que je porte ici au doigt, et voici comment on procéda.

« On m’instruisit de tout ce qui m’attendait, et l’on m’apprit ce que j’avais à faire et à éviter. Un magnifique palais fut bâti sur le modèle de la résidence d’été- que mes parents préfèrent : un corps de logis, deux ailes et tout ce qu’on peut souhaiter. Il se trouvait à l’entrée d’une grande crevasse de rocher, et la décorait le mieux du monde. Au jour fixé, la cour s’y rendit, et mes parents avec moi. L’armée défila en grande tenue ; vingtquatre prêtres portaient, non sans peine, sur un riche brancard le merveilleux anneau. On le déposa vers le seuil de l’édifice, du côté intérieur, à la place où on le franchit. Après maintes cérémonies, après de tendres adieux, je me mis à l’œuvre. Je m’approchai, je posai la main sur l’anneau, et aussitôt je commençai à grandir notablement. En peu d’instants, je parvins