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tiers, pour compagnon assidu de mon pèlerinage ; nous sommes deux, nous resterons deux ; et cependant un nouveau lien, un lien désagréable, semblait vouloir se former.

« Aux enfants de la maison, avec lesquels Félix jouait ces derniers jours, était venu se joindre un pauvre petit garçon, fort éveillé, qui se prêtait à tout ce qu’on voulait de lui, selon que le jeu le demandait, et qui fut très-vite dans les bonnes grâces de Félix. Déjà j’observais, à diverses paroles, que l’enfant songeait à en faire un camarade pour la suite du voyage. Ce petit garçon est connu dans la contrée ; on le souffre partout, à cause de sa gaieté, qui lui vaut maintes aumônes ; mais il ne me plaisait point, et j’ai prié Joseph de l’éloigner. Félix en a témoigné son chagrin, et il en est résulté une petite scène.

« À cette occasion, j’ai fait une découverte fort agréable. Dans un coin de la chapelle ou de la salle, était un coffre plein de pierres, et Félix, qui, depuis notre passage à travers les montagnes, a pris un goût passionné pour les minéraux, les visitait et les fouillait avec ardeur : il s’en trouvait de fort belles et d’un aspect remarquable. Notre hôte nous dit que l’enfant pouvait choisir celles qu’il voudrait. Ces pierres étaient le reste d’une grande collection qu’un ami avait expédiée d’ici récemment. Joseph l’appela Montan, et tu peux juger que je fus heureux d’entendre ce nom, sous lequel voyage un de nos meilleurs amis, à qui nous sommes si redevables. Le moment et les circonstances, dont je me suis enquis, me permettent d’espérer que je le rencontrerai bientôt dans mon pèlerinage. »


La nouvelle que Montan se trouvait dans le voisinage avait rendu Wilhelm pensif et rêveur. Il se dit qu’il ne devait pas attendre purement du hasard l’avantage de revoir un si digne ami, et il demanda à son hôte si l’on ne savait pas de quel côté ce voyageur avait dirigé ses pas. Personne ne put lui donner des renseignements précis, et déjà Wilhelm était résolu à poursuivre son voyage d’après le premier plan, quand Félix s’écria :

« Si mon père était moins obstiné, nous trouverions Montan.

— Par quel moyen ?