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membres de personnes chéries, livrés au sommeil de la mort sous de pieux ornements, ne fussent déchirés, dispersés et profanés.

« Mais on avait répété et rebattu sans cesse la même chose, sans que personne eût songé ni pu songer à trouver un remède ; et les plaintes devinrent toujours plus générales, quand de jeunes hommes, qui avaient suivi les leçons avec attention, voulurent se convaincre par leurs yeux et leurs mains, de ce qu’ils avaient jusqu’alors appris comme simples auditeurs, et graver, d’une manière toujours plus vive et plus profonde, dans leur mémoire des connaissances si nécessaires. En de pareils moments, se développe comme une soif étrange de la science, qui excite à rechercher la satisfaction la plus révoltante, comme la chose la plus agréable et la plus nécessaire.

« Ces obstacles et ces longueurs avaient occupé et agité, depuis quelque temps, les amis de l’action et de la science, lorsqu’enfin un événement, qui mit en rumeur toute la ville, fit débattre un jour, pendant quelques heures, le pour et le contre avec beaucoup de vivacité. Une très-belle jeune fille, égarée parun amour malheureux, avait cherché et trouvé la mort dans la rivière : l’école d’anatomie s’empara du corps. Les parents, la famille, l’amant lui-même, que la défunte avait cru faussement coupable, firent des efforts inutiles : l’autorité, qui venait de publier des ordonnances plus sévères, ne pouvait accorder aucune exception : d’ailleurs on se hâta d’utiliser cette proie aussitôt que possible, et, à cet effet, de la partager. «

Wilhelm, qui fut appelé à son tour, comme aspirant premier inscrit, trouva, devant le siége qui lui fut assigné sur une planche fort propre et soigneusement couverte, une tâche difficile : car, lorsqu’il eut enlevé le linge, il vit, couché sur la planche, le plus beau bras de femme qui eût jamais enlacé le cou d’un jeune homme. 11 tenait sa trousse à la main, et ne pouvait se résoudre à l’ouvrir ; il restait debout, sans songer à s’asseoir. Sa répugnance à défigurer plus encore ce magnifique ouvrage de la nature luttait avec ce que L’homme avide de science doit exiger de lui-même et que tous les assistants approuvaient.

A ce moment, il vit s’avancer vers lui un homme d’un extérieur remarquable, qu’il avait vu rarement parmi les auditeurs,