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faire entendre que l’étranger était admis. Sans interrompre leur chant, ils le saluèrent gracieusement. Leurs voix s’accordaient d’une manière fort agréable ; on pouvait aisément reconnaître qu’ils étaient parfaitement exercés et qu’ils chantaient en maîtres. Wilhelm ayant paru les écouter avec le plus vif intérêt, ils lui demandèrent, quand ils eurent fini, si, dans ses voyages à pied, il n’avait pas aussi quelque chant, qu’il fredonnait en poursuivant son chemin.

« La nature ne m’a pas accordé une belle voix, répondit Wilhelm ; mais il me semble souvent qu’un secret génie prélude au fond de mon cœur et murmure en cadence, si bien que mes pas se meuvent toujours en mesure, et que je crois entendre de légers sons accompagnant quelque poésie, qui, d’une manière ou d’une autre, se présente sans effort.

— Si vous en avez une de ce genre présente à la mémoire, veuillez nous l’écrire, dirent les jeunes gens ; nous essayerons d’accompagner votre mélodieux génie. »

Wilhelm tira de son portefeuille un morceau de papier, où il écrivit ces mots :

« De la montagne aux collines, et le long de la vallée, résonne comme un bruit d’ailes et s’éveille comme un chant : cette impulsion universelle, la joie, la sagesse, la suivent. Que l’amour inspire tes efforts et que l’action soit ta vie. »

Les jeunes hommes se recueillirent un moment, puis ils entonnèrent un joyeux chant à deux voix, dans un mouvement de marche, et qui, par ses répétitions, ses entrelacements toujours nouveaux, entraîna l’auditeur. Il ne savait plus si c’était sa propre mélodie, son premier thème, ou s’jl venait seulement d’être adapté aux paroles, de telle sorte que nul autre mouvement ne se pouvait imaginer. Les chanteurs s’étaient amusés quelque temps de la sorte, lorsqu’on vit paraître deux robustes compagnons, qu’à leurs attributs on pouvait reconnaître d’abord pour des maçons ; ils furent suivis de deux autres, qui étaient évidemment charpentiers. En déposant sans bruit leurs outils, ils prêtèrent tous les quatre l’oreille au chant, et bientôt ils s’y associèrent avec aisance et sûreté, en sorte que l’on eût dit une société complète de compagnons, cheminant par monts et par vaux. Wilhelm ne croyait pas avoir jamais entendu rien d’aussi