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eu toutes circonstances ses convictions, il faisait par là quelque bien.

Il considérait la société civile, à quelque forme de gouvernement qu’elle fût soumise, comme un état naturel, qui avait ses biens et ses maux, sa marche ordinaire, tour à tour ses années d’abondance et de disette, et non moins de cas fortuits et irréguliers, grêles, inondations, incendies : le bien, il fallait le saisir et en profiter ; le mal, le détourner ou le souffrir : mais rien ne lui paraissait plus désirable que le développement de la bienveillance universelle, indépendamment de toute condition.

De pareils sentiments durent l’engager à rappeler l’attention sur l’œuvre de bienfaisance qu’il avait déjà recommandée, savoir les soins à donner aux personnes qui semblaient mortes, de quelque manière qu’elles eussent perdu les apparences de la vie. En assistant à ces entretiens, j’en vins à comprendre qu’on avait essayé et fait avec ces malheureux enfants tout le contraire, et qu’on les avait, en quelque sorte, assassinés ; on soutenait d’ailleurs qu’une saignée les aurait peut-être rappelés tous à la vie. Dans mon zèle de jeunesse. je me promis secrètement de ne négliger aucune occasion d’apprendre tout ce qui est nécessaire en pareil cas, particulièrement d’apprendre à saigner et à porter les autres secours.

Mais comme la marche ordinaire de la vie m’entraîna bientôt ! Le besoin d’amour et d’amitié s’était éveillé : je cherchai de toutes parts à le satisfaire. Cependant mes sens, mon imagination et mon esprit furent absorbés par le théâtre. Jusqu’où je fus conduit, combien je fus séduit par cette passion, je n’ose le répéter.

Et s’il faut t’avouer encore, après ce long récit, que je ne suis pas encore parvenu à mon but, et ne puis espérer d’y parvenir que par un détour, que te dirai-je de plus et comment pourrai-je m’excuser ? En.tout cas je pourrais dire encore : s’il est permis à l’écrivain humoriste d’entasser mille choses pêle-mêle ; s’il ose abandonner hardiment à son lecteur le soin de découvrir enfin, sous des expressions à demi voilées, ce qu’il en faut prendre, ne saurait-on permettre à l’homme sage et raisonnable de porter, avec une apparente bizarrerie, son action sur divers points successivement, pour qu’on les retrouve enfin réfléchis