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bientôt ses ombrages fleuris, de jasmins, de chèvrefeuilles, de plantes sarmenteuses et grimpantes.

Quand je me rappelle, après tant d’années, la situation où j’étais alors, elle me semble réellement digne d’envie. Dans un même jour, j’éprouvai, à l’improviste, le pressentiment de l’amour et de l’amitié. En effet, quand je dis adieu, malgré moi, à la belle enfant, je me consolai par l’idée que je pourrais découvrir, confier ces sentiments à mon jeune ami, et jouir delà part qu’il prendrait à ces sensations nouvelles.

Et, si je puis ajouter encore une réflexion, je dois avouer que ce premier épanouissement du monde extérieur s’est offert à moi, dans le cours de ma vie, comme la véritable nature, comme le tableau original, auprès duquel tout ce qui frappe nos sens dans la suite semble n’être que des copies, qui, tout en approchant de ce modèle, manquent toutefois de l’esprit et du caractère primitif.

Combien ne serions-nous pas désespérés, de trouver le monde extérieur si froid, si inanimé, s’il ne se développait dans notre sein quelque chose qui rend la nature tout autrement magnifique, en nous communiquant un pouvoir créateur pour nous ennoblir en elle !

La nuit commençait quand nous approchâmes de l’endroit de la forêt où mon jeune ami avait promis de m’attendre. Je regardais de tous mes yeux pour chercher à le découvrir, et, ne pouvant y réussir, je courus en avant avec impatience, tandis que la société cheminait lentement ; je fouillai le bois de tous côtés ; j’appelai, je me tourmentai : il ne se montrait point, ne répondait pas davantage. J’éprouvai, pour la première fois, une violente douleur.

Déjà se développait en moi le désir immodéré d’intimes affections ; déjà je sentais le besoin irrésistible de donner, par mon babil, un peu d’essor à mon imagination, que possédait l’image de la jolie blonde, de soulager mon cœur, oppressé des sentiments qu’elle avait éveillés en moi ; il était plein ; déjà il débor-