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Nous arrivâmes assez tût à la première station, chez un bon pasteur. Accueillis de la manière la plus amicale, nous ne tardâmes pas à nous apercevoir que ces cœurs amis du repos et de la liberté, n’avaient pas renoncé à la solennité du jour, que l’autorité avait abolie. Pour la première fois de ma vie, j’observais, avec un joyeux intérêt, un ménage champêtre : les charrues et les herses, les voitures et les chariots, annonçaient un usage journalier ; le fumier même, objet par lui-même repoussant, semblait ici la chose la plus indispensable : il était amoncelé avec soin et disposé avec une sorte d’élégance. Mais nos jeunes regards, que ces objets nouveaux, et pourtant faciles à comprendre, avaient attirés, furent bientôt fixés sur les apprêts du repas ; les gâteaux appétissants, le frais laitage et maintes friandises champêtres occupèrent vivement notre attention. Ensuite les enfants, ayant quitté le petit jardin et là treille hospitalière, coururent dans le verger voisin s’acquitter d’une commission qu’une bonne vieille tante leur avait donnée. Il s’agissait de recueillir autant de primevères que possible, et de les apporter soigneusement à la ville, où la vieille ménagère avait coutume d’en composer toute sorte de boissons salutaires.

Tandis que, livrés à cette occupation, nous courons çà et là dans les prés, au bord des sentiers et des haies, beaucoup d’enfants du village viennent se joindre à nous, et l’agréable odeur de cette moisson de fleurs printanières semblait toujours plus douce et plus embaumée.

Nous avions déjà recueilli une telle quantité de fleurs avec leurs tiges, que nous ne savions qu’en faire : alors nous commençâmes à séparer les corolles safranées, car c’était uniquement de là fleur qu’on faisait usage. Chacun tâchait d’en amasser le plus possible dans son chapeau ou sa casquette.

Le plus grand des jeunes garçons, un peu plus âgé que moi, et fils du pêcheur, semblait ne trouver aucun plaisir à cet amusement. Il m’avait plu singulièrement dès le premier abord ; il me proposa d’aller avec lui à la rivière, qui, déjà fort large en cet endroit, coulait à peu de distance. Nous prenons chacun une ligne, et nous allons nous asseoir à une place ombragée, où de petits poissons passaient et repassaient dans l’eau calme, lim-