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passables, et peut-être meilleures qu’ils n’eussent fait, avec leurs facultés bornées, dans quelque autre état de leur choix.

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Mais, comme ce n’est pas là encore ce que je voulais dire, je vais chercher à m’approcher de mon sujet par un autre côté.

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Le malheur de l’absence est de ne pouvoir présenter et produire dans une liaison instantanée les-chainons, les fils de nos pensées, qui, lorsqu’on est en présence, se développent et s’entrelacent mutuellement avec la vitesse de l’éclair. Je commencerai donc par un des premiers événements de mon enfance.

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Élevés dans une vieille et sérieuse cité, nous avions pu, dès notre jeune âge, nous faire l’idée de rues, de places, de murailles, puis de remparts, de glacis et de jardins clos de murs, dans le voisinage. Mais, pour nous conduire une fois ou plutôt pour se transporter eux-mêmes en rase campagne, nos parents avaient projeté depuis longtemps, avec des amis villageois, une partie toujours différée. Enfin, à Pentecôte, l’invitation et le projet devinrent plus pressants. On accepta, mais sous condition de tout arranger de sorte qu’on pût être de retour le soir à la maison ; car, de coucher ailleurs que dans son lit dès longtemps accoutumé, cela semblait la chose impossible. Concentrer à ce point les plaisirs de la journée était assurément difficile ; il s’agissait de visiter deux amis, et de satisfaire leurs prétentions à un rare plaisir : cependant on espérait en venir à bout, avec une grande ponctualité.

Le troisième jour des fêtes de Pentecôte, tout le monde fut prêt et joyeux de grand matin. À l’heure fixée, la voiture était devant la porte : nous eûmes bientôt laissé derrière nous tout ce qui bornait la vue, les rues, les portes, les ponts et les fossés de la ville ; un libre et vaste horizon s’ouvrit devant nos yeux étonnés ; la verdure des champs et des prairies, rafraîchie par une pluie de nuit, les nuances diverses du feuillage naissant des arbres et des buissons, la blancheur éblouissante des arbres en fleurs, qui se déployait au loin de toutes parts, tout nous donnait l’avant-goût des joies du paradis.