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nombre, sous un costume imposant et grave, son ami Jarno, qui lui dit avec un cri de joie :

« Ce n’est pas sans raison que j’ai quitté le nom de Jarno pour celui de Montan, plus en harmonie avec ma carrière : tu vois en moi l’initié des montagnes et des cavernes, et, plus heureux qu’on ne saurait l’imaginer, dans cet étroit espace, ayant la terre sous mes pieds et sur ma tête.

— J’espère, lui repartit Wilhelm, t’y trouver, avec ta haute expérience, plus libéral d’explications et d’éclaircissements que tu ne l’as été sur les rochers et les montagnes où je t’ai rencontré naguère.

— Point du tout, répondit Montan ; les montagnes sont des maîtres muets et font des élèves silencieux. »

Après cette solennité, plusieurs tables furent dressées. Tous les convives, invités ou non invités, qui prirent part au festin, étaient du métier : aussi, à la table où Wilhelm et Montan avaient pris place, il s’établit aussitôt une conversation en harmonie avec le lieu ; on parla en détail de roches, de filons et de gisements, des terrains et des métaux de la contrée. Mais ensuite la conversation se perdit dans les généralités, et il ne fut question de rien moins que de la création et de la formation du globe. Sur ce sujet, la conversation ne resta pas longtemps paisible, et il s’éleva bientôt une vive contestation.

Plusieurs voulaient expliquer la formation de notre terre par la retraite graduelle des eaux qui l’avaient couverte ; ils alléguèrent, à l’appui de leur système, les débris organiques d’habitants de la mer sur les plus hautes montagnes comme sur les basses collines.

D’autres, plus ardents, commençaient par tout embraser et tout fondre, et faire régner absolument un feu, qui, après avoir suffisamment opéré à la surface, s’étant retiré enfin dans les profondeurs, manifestait encore sa présence par les volcans qui exercent leurs fureurs soit dans la mer soit sur la terre, et, par des éruptions successives et des effusions graduelles de laves, formait les plus hautes montagnes ; faisant observer à ceux qui étaient d’un avis contraire, que, sans feu, il ne peut se développer aucune chaleur, et qu’un feu actif suppose toujours un foyer.