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développaient le groupe en surface, attentifs toutefois à ne point en troubler l’ordonnance, mais à la respecter aussi fidèlement que possible ; les imitations en bas-relief étaient traitées dans le même esprit ; un seul artiste avait reproduit le groupe tout entier, avec de plus petites dimensions, et, dans certains mouvements, dans les proportions des membres, il semblait avoir surpassé le modèle.

Alors Wilhelm apprit que c’était l’auteur même du groupe qui, avant de l’exécuter en marbre, l’avait soumis à cette épreuve, non pas critique, mais pratique ; et qui, observant avec soin ce que chacun de ses collaborateurs avait vu dans cette œuvre, avait maintenu ou changé, d’après ses propres inspirations, savait en profiter dans un nouvel examen de son travail ; en sorte qu’à la fin ce grand ouvrage, une fois exécuté en marbre, quoique entrepris, modelé et achevé par un seul artiste, semblerait appartenir à tous.

Le plus grand silence régnait dans la salle ; mais le surveillant éleva la voix et s’écria :

« Qui pourrait ici, en présence de cette œuvre immobile, ébranler par d’éloquentes paroles notre imagination, au point de rendre à tout ce que nous voyons là fixe et arrêté le mouvement et la vie, sans que l’ouvrage perdît son caractère, afin de nous persuader que la situation choisie et fixée par l’artiste était en effet la plus noble ? »

Désigné par tous ses camarades, un beau jeune homme quitta son travail, et, sortant du cercle, il commença, sur un ton calme et paisible, paraissant se borner à décrire l’œuvre d’art qu’il avait sous les yeux ; mais bientôt il s’élança dans le domaine de la poéste ; il se plongea dans le milieu de l’action, et domina son sujet d’une manière admirable ; peu à peu son exposition s’éleva, par le secours d’une déclamation excellente, à un degré si sublime, que le groupe immobile sembla réellement se mouvoir sur son axe et que l’on crut voir doubler et tripler le nombre des figures.

Wilhelm était dans le ravissement et il s’écria : 1,« Qui pourra maintenant s’empêcher de passer au véritable chant, à la poésie cadencée par le rhythme ?

— Je serais forcé de m’y opposer, répliqua le surveillant ;