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tôt anéanti, s’il ne savait, à son tour, inspirer au musicien du respect par la tendresse et l’audace de ses mouvements lyriques, et provoquer des sentiments nouveaux, tantôt par un doux’enchaînement, tantôt par les plus soudaines transitions. . Les chanteurs que vous trouvez ici sont la plupart poètes eux-mêmes. On enseigne aussi les principes de la danse, afin que tous ces talents se puissent répandre régulièrement dans tous les districts.

Lorsque le voyageur eut franchi la limite de la contrée voisine, il remarqua aussitôt une tout autre architecture. Les habitations n’étaient plus dispersées ; ce n’étaient plus de simples cabanes ; les maisons étaient rangées dans un ordre régulier ; belles et solides à l’extérieur, elles étaient vastes, commodes, élégantes au dedans ; elles présentaient l’aspect d’une ville spacieuse, bien bâtie, en proportion avec le pays. C’était le domaine de l’art plastique et de tous les métiers qui s’y rattachent, et, dans cet espace, régnait un silence tout particulier.

L’artiste qui se livre à la plastique est toujours, il est vrai, par la pensée, en rapport avec toute la société vivante et agissante, mais son travail est solitaire ; et, par la plus singulière contradiction, aucun autre peut-être ne demande un entourage aussi animé. Ici donc chacun exécute en secret ce qui doit bientôt occuper à jamais les regards des hommes ; un silence religieux règne dans la ville entière, et, si l’on n’avait pas entendu çà et là le ciseau des tailleurs de pierre ou les coups mesurés de la hache des charpentiers, assidûment occupés à terminer un superbe édifice, aucun bruit n’aurait ému les airs.

Notre voyageur fut surpris de la sévérité, de l’étrange rigueur, avec laquelle on traitait les commençants aussi bien que les élèves avancés ; nul ne semblait agir de son propre mouvement ; on eût dit qu’un esprit invisible les animait tous,. poulies conduire vers un grand et unique but. On n’apercevait nulle part ni projet ni esquisse ; chaque trait était tracé avec circonspection, et, quand le voyageur demanda l’explication de toute cette conduite, le guide lui répondit que l’imagination était une faculté vague, inconstante, et que, d’un autre côté, dans la plastique, tout le mérite de l’artiste consiste à fixer, à enchaîner toujours plus l’imagination, et à l’élever enfin jusqu’à la réalité.