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avec tous les effets de lumière, d’ombre et de couleur, les autres même complétement achevés pendant les heures brûlantes du jour. Pour arriver à ce résultat, ils avaient dû se transporter de lieu en lieu, parce que le vœu de Wilhelm était fort souvent un obstacle ; toutefois ils surent l’esquiver dans l’occasion, en se disant que la promesse était obligatoire sur la terre. mais que, sur l’eau, elle n’était pas applicable.

Wilhelm sentait bien aussi qu’ils avaient atteint leur but ; et pourtant il ne pouvait se dissimuler qu’à moins de satisfaire son désir de voir Hilarie et la belle veuve, il ne quitterait pas le pays sans regrets. L’artiste, à qui il avait fait leur histoire, n’était pas moins séduit, et déjà il s’applaudissait de savoir vacante, dans un de ses tableaux, une belle place, où il ferait dignement figurer ces personnes charmantes.

Dès lors ils croisaient sans cesse, et se tenaient en observation aux endroits par lesquels les étrangers ont coutume d’entrer dans ce paradis. Les bateliërs de ces dames leur avaient donné l’espérance d’y rencontrer des amis. En effet ils tardèrent peu à voir glisser de leur côté un bateau de parade élégamment décoré, auquel ils firent la chasse, et qu’ils se permirent même d’aborder sur-le-champ, avec une vive ardeur. Les dames, un peu effrayées, se remirent, dès que Wilhelm leur eut produit la petite feuille, où elles reconnurent sans difficulté, l’une et l’autre, la flèche qu’elles avaient elles-mêmes dessinée. Aussitôt elles invitèrent familièrement nos amis à passer dans leur barque, ce qui fut bientôt fait.

Qu’on se représente maintenant ces quatre personnes, assises vis-à-vis les unes des autres dans cette barque élégante, caressées par une douce brise, dans ces lieux enchanteurs et bercées sur les vagues étincelantes ; qu’on se figure ces deux femmes, telles qu’on nous les a récemment représentées, ces deux jeunes hommes, avec lesquels nous voyageons depuis quelques semaines, et, après quelque réflexion, nous trouverons toutes ces personnes dans la plus agréable, mais la plus dangereuse position. Trois d’entre elles appartiennent déjà, de force ou de gré, à la société des Renonçants, et l’on peut être moins alarmé pour elles ; la quatrième devait bientôt se voir admise dans cet ordre.