vait fait deviner la possibilité de communiquer avec le reste du monde. L’artiste, avec un judicieux et poétique sentiment du ’ vrai, avait aussi indiqué une caverne, qu’on pouvait prendre pour le laboratoire dans lequel la nature fabriquait ses puissants cristaux, ou pour la demeure d’un fabuleux et terrible dragon.
Ce ne fut pas sans une sainte appréhension que les amis visitèrent le palais du marquis : le vieillard n’était pas encore revenu de son voyage, mais ils furent aussi reçus et traités amicalement dans ce canton, parce qu’ils savaient se conduire prudemment avec les autorités civiles et ecclésiastiques. Au reste, Wilhelm s’applaudit de l’absence du maître : il aurait eu sans doute un grand plaisir à le revoir et à lui rendre ses hommages ; mais il redoutait sa libéralité reconnaissante et les largesses qu’on l’aurait contraint d’accepter, pour la conduite amicale et fidèle dont il avait déjà recueilli la plus douce récompense.
Nos amis, portés dans une élégante nacelle, eurent donc le loisir de voguer d’une rive à l’autre et de parcourir le lac en tout sens. On était dans la plus belle’saison de l’année ; ils ne laissèrent échapper aucun lever, aucun coucher de soleil, aucune des mille nuances que la lumière céleste répand, d’une manière si libérale, dans l’espace éthéré, et, de là, sur le lac et la terre, pour déployer enfin toute sa magnificence dans ses derniers reflets.
Une végétation luxuriante, ouvrage de la nature, que l’art entretient et favorise, les environnait de toutes parts. Déjà les promiers bois de châtaigniers leur avaient souhaité la bienvenue ; ensuite ils ne purent s’empêcher de sourire, avec mélancolie, lorsque, couchés sous les cyprès, ils virent le laurier lever la tête, la grenade rougir, les orangers et les citronniers fleurir, et leurs fruits briller parmi le sombre feuillage.
Mais Wilhelm dut à son jeune compagnon de voyage de nouvelles jouissances. La nature n’avait point donné à notre ami l’œil du peintre. Il ne sentait la beauté visible que dans la figure humaine, et s’aperçut tout à coup, qu’un ami doué des mêmes sentiments, mais formé à de tout autres jouissances, à un autre genre d’activité, lui révélait le monde qui les entourait.