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vrir dans les limites de ses propres forces, et aussi indiquer avec bienveillance hors de son domaine, quand les premiers ne suffisent pas.

Heureusement le major, sans le vouloir et le chercher, était, par un demi-pressentiment, préparé, dans le fond du cœur, à l’événement. Depuis qu’il avait congédié le cosmétique valet de chambre, qu’il était revenu à ses habitudes naturelles, qu’il avait cessé de prétendre à l’apparence, il sentait comme une diminution dans son bien-être physique ; il sentait la désagréable transition du jeune premier au père sensible ; et pourtant ce dernier rôle s’imposait de plus en plus à lui.

Le sort d’Hilarie et de sa famille était toujours le premier souci, le premier objet qui s’offrait à sa pensée, et le sentiment de l’amour, l’inclination, le désir de la présence, ne se développaient qu’à la suite. Et, lorsqu’il se figurait Hilarie dans ses bras, c’était le bonheur de la jeune femme qui l’animait ; c’était ce bonheur qu’il aspirait à lui procurer, plus qu’à goûter luimême la joie de la posséder. Même, s’il voulait porter sa pensée sur elle avec une jouissance pure, il fallait d’abord qu’il se rappelât l’amour de la jeune fille et son aveu charmant ; qu’il se rappelât le moment où elle s’était donnée à lui contre toute espérance.

Mais maintenant, qu’il avait vu devant ses yeux, dans la nuit brillante, un jeune couple uni ; l’aimable Hilarie, après sa chute, pressée dans les bras de Flavio ; ces deux amants, sans avoir égard à sa promesse de revenir à leur secours, sans l’attendre au lieu désigné, disparaître dans la nuit, et lui-même, abandonné dans la plus triste situation : qui sentirait ces choses comme lui, sans tomber dans le désespoir ?

Cette famille, qui avait toujours vécu dans l’union, et qui en avait espéré une plus étroite encore, était consternée et dispersée. Hilarie persistait à se renfermer chez elle ; le major prit enfin sur lui d’interroger Flavio sur sa conduite antérieure. Le mal avait sa source dans la coquetterie de la belle veuve. Pour ne pas abandonner son adorateur, jusqu’alors passionné, à une autre femme, digne de son amour, qui laissait voir son inclination pour lui, la trompeuse lui fait les avances les plus marquées, et lui, enflammé, encouragé, il veut poursuivre son des-