Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée

à prendre sa main, à baiser cette main délicate, à la presser sur mon cœur. On ne la retira point.

« Créature céleste, m’écriai-je, ne dissimule pas plus long« temps avec moi ! S’il y a dans ce noble cœur un tendre senti« ment pour l’homme heureux qui est devant toi, ne le cache « pas plus longtemps, laisse-le paraître, fais-en l’aveu ; voici le « moment souhaité, le moment suprême…. Chasse-moi de ta « présence ou presse-moi sur ton cœur. »

« Je ne sais tout ce que j’ai dit, je ne sais quelle a été" ma conduite. Elle ne s’est point éloignée, elle n’a pas résisté, elle n’a pas répondu. J’ai osé la- presser dans mes bras, lui demander si elle voulait être à moi ; j’ai cueilli sur ses lèvres un baiser - de flamme ; elle m’a repoussé. « Oui ! oui ! » ou quelque chose de pareil, s’est échappé de sa bouche, à demi-voix, et comme si elle fût troublée. Je me suis éloigné en m’écriant : « J’enverrai « mon père, qui parlera pour moi. — Ne lui dites pas un mot « de tout ceci ! a-t-elle répondu, en faisant quelques pas avec « moi. Éloignez-vous, oubliez ce qui s’est passé. »

Ce que le major pensa, nous ne le développerons pas ; mais il dit à son fils :

« A ton avis, que devons-nous faire à présent ? La chose est brusquée assez heureusement, pour que nous puissions procéder un peu plus dans les formes, et qu’il soit peut-être fort convenable que je me présente demain chez la dame et fasse la demande pour toi.

— Au nom du ciel, mon père, ne le faites pas. Ce serait gâter toute l’affaire. Cette conduite, cette délicatesse, ne veulent être troublées, inquiétées, par aucune formalité. 11 suffit, mon père, que votre présence hâte cette union, sans que vous prononciez un mot. Oui, c’est à vous que je dois mon bonheur. L’estime que vous inspirez à ma bien-aimée a triomphé de toutes ses hésitations, et jamais le fils n’aurait trouvé cet instant favorable, si le père ne l’avait préparé. »

Ces réflexions et d’autres pareilles les menèrent fort avant dans la nuit. Ils se mirent d’accord sur leurs plans de part et d’autre : le major ne voulait plus faire qu’une visite de cérémonie, puis il irait conclure son mariage avec Hilarie ; le fils ferait pour arranger et accélérer le sien, tout ce qu’il saurait faire.