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de sa vie et bien peu à son martyre. Et, pour omettre toutes les autres conséquences de cette réflexion, considérez le touchant tableau de la Cène ! Ici le sage laisse, comme toujours, les siens véritablement orphelins, et, tandis qu’il s’alarme pour les bons, il nourrit avec eux un traître, qui causera leur perte et la sienne. »

A ces mots, l’ancien ouvrit une porte, et Wilhelm fut bien surpris de se retrouver dans la première salle d’entrée. Ils avaient fait dans l’intervalle, comme il put le remarquer, le tour entier de la cour.

« J’espérais, dit-il, que vous me conduiriez jusqu’au bout, et vous me ramenez au commencement.

— Je ne puis vous en montrer davantage pour cette fois, répondit l’ancien : ce que vous venez de parcourir est tout ce que noiis faisons voir et que nous expliquons à nos élèves ; l’extérieur, l’universel, à chacun, dès son enfance ; l’intérieur, avec son caractère spirituel et moral, à ceux-là seulement dont l’intelligence se développe avec les années : le reste, nous ne l’ouvrons qu’une fois chaque année, et nous n’y .pouvons admettre que les élèves auxquels nous donnons leur congé.

— Cette troisième religion, qui naît du respect pour ce qui est au-dessous de nous, cette adoration de l’adversité, de l’épreuve, dela souffrance, nous ne la communiquons à chacun que comme un équipement, à leur entrée dans le monde, afin qu’ils sachent où ils pourront trouver ce recours, s’ils doivent en éprouver le besoin. Je vous invite à revenir au bout d’une année, pour assister à notre féte générale, et voir quels progrès votre fils aura faits : alors vous pourrez aussi être admis dans le sanctuaire de la douleur.

— Permettez-moi de vous faire une question, reprit Wilhelm. De même que vous avez exposé la vie de l’homme divin comme une leçon et un modèle, avez-vous aussi produit ses souffrances et sa mort comme un idéal de résignation sublime ?

— Assurément, dit l’ancien ; nous n’en faisons pas un secret ; mais nous jetons un voile sur ses souirrances, précisément parce que nous les vénérons profondément. Nous regardons comme une témérité condamnable d’exposer l’instrument du supplice et le saint martyr aux regards du soleil, qui voila son