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bien policée, que celui dont nous afflige le voisinage d’un violon ou d’une flûte novice. Nos commençants, animés du louable sentiment de ne vouloir éfre importuns à personne, s’enfoncent volontairement, pour un temps plus ou moins long, dans le désert, et rivalisent, chacun à part, pour mériter de s’approcher du monde habité ; en conséquence, on permet de temps en temps qu’ils essayent d’approcher, et il est rare qu’ils échouent, car ici, comme dans toutes nos institutions, nous devons cultiver et garder la pudeur et la modestie. Je suis charmé que votre fils ait une voix agréable : cela rendra le reste plus facile. «

Ils étaient arrivés à l’endroit où Félix devait s’arrêter et s’essayer avec les autres enfants, avant qu’on eût décidé son admission formelle. Déjà ils entendaient de loin un joyeux chant : c’était une récréation, à laquelle les enfants se livraient celle fois dans une heure de loisir. Ils entonnèrent un chœur général, auquel chaque membre d’un cercle plus étendu répondit joyeusement, d’une voix juste et claire, en obéissant aux signes du directeur. Cependant il surprenait souvent les chanteurs, en suspendant par un signe le chœur général, et touchant avec sa baguette un des choristes, qui devait soudain entonner seul une chanson en harmonie avec l’air et les paroles du chœur. La plupart montraient déjà beaucoup d’habileté ; quelques-uns, qui échouaient dans cette épreuve, donnaient des gages sans trop exciter la moquerie. En véritable enfant, Félix se mêla d’abord avec eux, et ne se tira pas mal d’affaire. Puis il dut faire le salut de la première classe : il se croisa les mains sur la poitrine, leva les yeux au ciel, mais d’un air malin, qui faisait bien voir qu’il n’attachait pas encore à cet acte un sens mystérieux.

L’agrément du lieu, le bon accueil qu’on lui fit, la gaieté de ses camarades, tout charma l’enfant, au point qu’il vit sans trop de regret son père s’éloigner . il jeta un regard plus triste peut-être sur le cheval, qu’on emmenait, mais on lui fit comprendre qu’il ne pouvait le garder dans le district où il se trouvait ; et on lui promit qu’il en retrouverait un pareil, gentil et bien dressé, au moment où il s’y attendrait le moins.

Le surveillant, n’ayant pu réussir à trouver le chef, dit à Wilhelm :

« Il faut que je vous quitte ; mes affaires m’appellent ; cepen-