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se réunit au firmament, dont l’étendue semblait se déployer sans cesse et tout embrasser. C’est à ce moment que vous m’avez réveillé. Encore assoupi, je m’avance, en chancelant, vers la fenêtre, ayant toujours l’étoile devant les yeux : je regarde, et je vois réellement devant moi l’étoile du matin, aussi belle, mais non pas aussi resplendissante : cependant je contemple encore, encore, et vous aussi, vous contemplez avec moi, ce qui aurait dû proprement disparaître à mes yeux avec le voile du sommeil. » L’astronome s’écria :

« Miracle ! Oui, miracle ! Vous ne savez pas vous-même quelles merveilleuses paroles vous avez prononcées. Puisse votre songe ne pas présager le départ de cette femme admirable, à laquelle est réservée tôt ou tard une pareille apothéose ! »

Dès le matin, Wilhelm courut à la recherche de son Félix, qui s’était glissé- de bonne heure dans le jardin. Il fut surpris d’y voir plusieurs jeunes filles occupées à le cultiver. Toutes étaient jolies ou du moins agréables ; aucune ne semblait avoir vingt ans. Elles étaient habillées diversement, étant originaires de contrées diverses. Elles travaillaient avec ardeur, saluaient gracieusement, et poursuivaient leur travail.

Il rencontra Angéla, qui allait et venait, pour ordonner et juger les travaux. Wilhelm lui exprima l’étonnement que lui causait cette jolie et agissante colonie.

«. Cette colonie est permanente, répondit-elle : elle change, mais elle subsiste toujours dans le même état, car, à leur vingtième année, ces jeunes filles, comme toutes les habitantes de notre établissement, entrent dans la vie active, et la plupart dans le mariage. Tous les jeunes hommes du voisinage qui désirent une femme laborieuse, observent les progrès de nos élèves. Car elles ne sont pas cloîtrées ; elles ont déjà visité quelques foires ; elles ont été vues, désirées et fiancées : aussi beaucoup de familles observent avec attention le moment où il se trouve chez nous des places vacantes, pour y faire admettre leurs enfants. «

Après avoir entendu ces explications, Wilhelm ne put cacher à la jeune fille son désir de parcourir une seconde fois ce que l’astronome avait lu la veille.