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JULIE.

Mais Lucinde !… Oh ! c’est l’abrégé de toutes les perfections, et, une fois pour toutes, elle a supplanté sa gentille sœur. Je vous vois sur le point de me demander qui nous a si bien instruits.

LUCIDOR.

Il y a là-dessous une trahison !

JULIE.

Sans doute ! Il y a un traître.

LUCIDOR.

Nommez-le.

JULIE.

Il sera bientôt démasqué : c’est vous, Lucidor…. Vous avez la bonne ou mauvaise habitude de vous parler à vous-même, et je dois avouer, au nom de tous, que nous vous avons écouté tour à tour.

Lucidor, se levant subitement. La belle hospitalité ! Tendre ainsi des piéges aux étrangers !

JULIE.

Nullement ! Nous n’avions pas l’idée de vous observer. Vous savez que votre lit se trouve dans une alcôve formée par la cloison : vis-à-vis s’en trouve une autre, qui ne sert d’ordinaire que de garde-meuble. Quelques jours avant votre arrivée, nous avions obligé notre vieil ami d’y coucher, parce que son isolement dans l’ermitage nous donnait beaucoup d’inquiétude. Or, dès le premier soir, vous avez débuté par un monologue si véhément, qu’il s’est empressé de nous en faire part dès le lendemain.

Lucidor n’avait nulle envie d’interrompre Julie. Il s’éloignait.

Julie, se levant pour le suivre. Comme cette révélation nous vint à propos ! Car, je l’avoue, sans avoir pour vous de répugnance, je ne me sentais aucun goût pour la position qui m’attendait. Me voir madame la grande baillive, quelle effrayante situation ! Avoir pour mari un brave et digne homme, qui doit rendre la justice à tout.le monde, et, par pure justice, ne peut arriver à ce qui est juste ; qui ne peut satisfaire ni ses supérieurs ni ses inférieurs, ni lui-même, qui