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et la fatigue du jour lui avaient procuré le plus doux repos. Cependant les premiers rayons du soleil l’arrachèrent aux joyeux songes du matin. C’était justement le plus long jour de l’année, qui menaçait d’être interminable pour lui. S’il avait été insensible à la grâce charmante de l’étoile du soir, il ne sentit la beauté vivifiante du matin que pour se désespérer. La nature s’offrait à lui aussi belle que jamais ; elle l’était encore pour ses yeux ; mais son cœur n’y répondait point ; tout cela lui devenait indifférent : il avait perdu Lucinde.


CHAPITRE IX.

Il eut bien vite fermé son portemanteau, qu’il voulait laisser chez le bailli ; il n’y joignit pas le moindre billet ; le palefrenier, qu’il était d’ailleurs forcé de réveiller, excuserait par quelques mots son absence à table et peut-être aussi le soir. Mais il le trouva déjà devanf l’écurie, allant et venant à grands pas.

  • Monsieur ne veut pas monter à cheval, j’espère ! cria ce bonhomme avec un peu d’humeur. J’ose bien vous le dire, notre jeune monsieur devient tous les jours plus insupportable. Hier il avait tant couru par le pays, qu’on pouvait croire qu’il serait trop heureux de dormir la grasse matinée : ne vient-il pas, ce matin, avant le jour, faire tapage dans l’écurie ? et, quand je m’éveille en sursaut, je le vois qui met la selle et la bride à votre cheval, sans qu’aucune représentation le puisse arrêter ; il saute dessus et me crie : « Vois un peu la bonne « action que je-vais faire ! Cet animal ne va jamais que le petil « trot de la justice : je veux le mettre un peu au franc galop de « la vie. » Voilà à peu près ce qu’il a dit, avec d’autres propos singuliers. »