Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/83

Cette page n’a pas encore été corrigée

sur sa main : « Voilà, dit-elle, la fidélité, l’amour qu’il m’avait juré ! Briser par un si rude coup la belle vie qui nous unissait !… »

Wilhelm fondit en larmes, le visage appuyé sur la table, et il baignait de ses pleurs les papiers qui la couvraient encore.

Werner était debout auprès de lui, dans le plus grand embarras : il n’avait pas prévu cette explosion soudaine de la passion. Plusieurs fois il avait voulu interrompre son ami ; plusieurs fois il avait essayé de changer de discours. Effort inutile ! Il n’avait pu résister au torrent. Alors l’amitié patiente reprit son office. Il laissa passer le plus violent accès de la douleur, en faisant voir par sa présence muette, mieux que par tout autre moyen, une franche et sincère compassion. C’est ainsi qu’ils passèrent cette soirée, Wilhelm, plongé dans une douleur silencieuse et recueillie, et Werner, effrayé de ce nouvel éclat d’une passion qu’il croyait avoir dès longtemps vaincue et surmontée par ses bons conseils et ses vives exhortations.

Chapitre III

Après ces rechutes, Wilhelm avait coutume de se livrer avec plus de zèle que jamais aux affaires et au travail, et c’était le meilleur chemin pour se sauver du labyrinthe qui cherchait à l’attirer encore. Ses manières agréables avec les étrangers, sa facilité à tenir la correspondance dans presque toutes les langues vivantes, donnaient toujours plus d’espoir au père et à son associé, et les consolaient de la maladie, dont la cause ne leur avait pas été connue, ainsi que du retard qui avait interrompu leur dessein. On résolut, pour la seconde fois, le départ de Wilhelm, et nous le trouvons sur son cheval, sa valise en croupe, animé