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DE WILHELM MEISTER. 579

avait eu recours à l’opium, l’avait versé dans un verre de lait d’amande ; mais, ’saisi d’effroi en le portant à ses lèvres, il avait posé le verre sur la table pour courir au jardin et contempler encore une fois la nature à son retour, il avait trouvé l’enfant occupé a remplir de nouveau le verre où il avait bu. On conjurait le malheureux de se calmer il pressait la main de Wilhelm, avec des mouvements convulsifs.

c disait-il, pourquoi ne t’ai-je pas quitté depuis longtemps ? Je savais bien que je tuerais l’enfant et que l’enfant me tuerait.

Il est vivant, e répondit Wilhelm.

Le docteur, qui avait écouté attentivement, demanda a Augustin si tout le lait d’amande était empoisonné.

Non, répondit-il, mais seulement celui qui était dans le verre.

Ainsi, dit le docteur, par le hasard le plus heureux, l’enfant a bu a la bouteille. Un bon génie a dirigé sa main, et l’a détourné de choisir la mort qui s’offrait à lui toute prête. Non non ! s’écria Wilhelm avec désespoir. Cette déclaration est foudroyante ! Félix a dit expressément qu’il avait bu au verre et non à la bouteille. Sa santé n’est qu’une apparence ; il va mourir dans nos mains. »

En disant ces mots, il courut à son fils le docteur le suivit, et dit à l’enfant, en lui faisant des caresses.

« N’est-il pas vrai, Félix que tu as bu a la bouteille et non au verre ? x »

L’enfant se mit à pleurer. Le docteur rapporta secrètement à Nathalie ce qui s’était passé. Elle fit à son tour d’inutiles efforts pour savoir de Félix la vérité. Il pleurait toujours plus fort et finit par s’endormir. Wilhelm veilla près de lui ; la nuit se passa tranquillement. Le lendemain, on trouva Augustin mort dans son lit ; il avait trompé la vigilance de ses gardiens, en feignant de dormir, avait arraché sans bruit l’appareil de sa blessure et avait perdu tout son sang.

Nathalie mena l’enfant promener il était joyeux comme en ses plus heureux moments.

’< Tu es bonne lui dit-il, tu ne veux pas me gronder ni me battre je te dirai la vérité ; j’ai bu à la bouteille. Maman Auré