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DE WILHELM MEISTER. 549

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uevan auanaonner si violemment et si nécessairement tout ce qu’il avait trouvé et retrouvé, ses larmes enfin lui rendaient seules le sentiment de son existence. L’heureux état dans lequel il se trouvait pourtant s’offrait en vain à sa mémoire. Tout n’est rien, s’écriait-il,quand nous n’avons pas la chose unique qui donne du prix atout le reste »

L’abbé annonça à la société l’arrivée du marquis. Il dit à Wilhelm

Vous êtes, je le vois, décidé à voyager seul avec votre enfant mais apprenez du moins à connaître cet homme, qui, en tout cas, ne vous sera pas inutile, si vous venez à le rencontrer sur votre chemin.

Le marquis parut enfin c’était un homme d’un âge encore peu avancé, un de ces beaux types lombards, d’une expression agréable ; dès sa jeunesse, il avait fait connaissance avec l’oncle, beaucoup plus âgé que lui, d’abord à l’armée, puis dans les missions diplomatiques ; plus tard, ils avaient parcouru ensemble une grande partie de l’Italie, et les objets d’art que le marquis retrouva dans le château avaient été la plupart achetés et procurés en sa présence, et au milieu d’heureuses circonstances qu’il se rappelait encore.

Les Italiens ont’en général un sentiment plus profond de la dignité de l’art que les autres peuples ; tout homme qui exerce quelque industrie veut qu’on l’appelle artiste, maître et professeur, et témoigne du moins, par cette manie de titres, qu’il ne suffit pas d’attraper quelques idées par tradition, ou d’acquérir par l’exercice une certaine habileté il reconnaît au contraire que chacun doit être capable de raisonner sur ce qu’il fait, de poser des principes et d’expliquer clairement et à lui-même et aux autres les raisons pour lesquelles il faut procéder de telle ou telle façon.

L’étranger fut ému de retrouver tant de belles choses sans le possesseur, et il prit plaisir à entendre son ami lui parler, en quelque sorte, par la bouche de ses dignes héritiers. Ils parcoururent les divers ouvrages, et trouvèrent une grande jouissance à pouvoir s’entendre les uns les autres. Le marquis et l’abbé dirigeaient la conversation ; Nathalie, qui croyait se sentir encore en présence de son oncle, savait fort bien se retrouver dans les