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532 LES AKXHES D’APPRENTISSAGE

éloignés, le docteur ne dirige son regard clairvoyant que sur les objets les plus proches ; il procure des moyens d’agir, plutôt qu’il ne provoque et n’excite l’activité ; sa manière est ]a parfaite image d’un bon économe son influence est secrète, car elle se borne à seconder chacun dans sa sphère ; sa science est une récolte et une distribution perpétuelle ; il amasse et il communique en détail. Lothaire détruirait peut-être en un jour ce que le docteur met des années à bâtir ; mais peut-être aussi un mo-* ment suffirait-il à Lothaire pour communiquer aux autres la force de reconstruire au centuple ce qu’il aurait renversé. C’est une triste occupation, répondit Wilhelm, de méditer sur le mérite des autres, dans le moment où l’on n’est pas d’accord avec soi-même ; de pareilles réflexions conviennent à l’homme paisible, et non à celui qui est agité par la passion et l’incertitude.

Une méditation tranquille et sage ne saurait jamais nuire. Quand nous nous accoutumons à considérer les avantages dés autres hommes, les nôtres se rangent insensiblement a leur véritable place ; et nous renonçons alors volontiers à toute fausse activité, à laquelle notre imagination nous convie. Délivrez, s’il est possible, votre esprit de tout soupçon et de toute inquiétude ! Voici l’abbé soyez aimable avec lui, en attendant que vous appreniez mieux encore combien vous lui devez de reconnaissance. Le fripon ! il vient à nous entre Nathalie et Thérèse. Je gagerais qu’il médite quelque projet. Comme, en général, il aime à jouer un peu le rôle du destin, il a quelquefois aussi la fantaisie de faire des mariages. »

Wiiheim, dont l’irritation et la mauvaise humeur n’avaient pas été adoucies par les sages et bonnes paroles de Jarno, trouva fort déplacé que son ami parlât de choses pareilles dans ce moment, et dit, en souriant, mais non sans amertume « Je croyais qu’on laissait la fantaisie de faire des mariages aux personnes qui prennent fantaisie de s’aimer. »