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DU WJLHELM ME)STËR.. 523

d’elle, sur le canapé où il avait trouvé d’abord Nathalie. En un clin d’œil, il passa en revue toute une suite d’événements, ou plutôt il ne pensait point il laissait agir sur son âme des sentiments qu’il ne pouvait bannir. II y a des moments dans la vie on les événements, semblables a des navettes ailées, passent et repassent devant nous, et achèvent sans relâche une trame que nous avons plus ou moins filée et ourdie nous-mêmes. a Mon ami, mon bien-aimé, dit Thérèse, après un moment de silence, en prenant la main de Wilhelm, tenons-nous fermement unis dans ce moment, comme nous devrons peut-être le faire, plus d’une fois encore, en des circonstances pareilles. Voilà de ces événements que l’on ne peut supporter si l’on n’est pas deux dans le monde. Songez, mon ami, sentez que vous n’êtes pas seul ; montrez que vous aimez votre Thérèse, montrez-le d’abord en partageant vos douleurs avec elle. »

Mlle l’embrassait et le pressait doucement contre son sein Wilheim la prit dans ses bras avec les plus vives étreintes. « La pauvre enfant, s’écria-t-il, cherchait dans ses moments de tristesse un refuge et un abri sur mon cœur agité que la fermeté du tien vienne à mon secours en cet affreux moment ! » Ils se tenaient étroitement embrassés ; Wilhelm sentait le cœur de Thérèse battre contre sa poitrine, mais le désert et le vide étaient dans son âme les images de Mignon et de Nathalie flottaient seules, comme des ombres, devant ses yeux. Nathalie entra.

ce Donne-nous ta bénédiction’ s’écria Thérèse que, dans ce triste moment’, nous soyons unis devant toi. »

Wilhelm avait caché son visage sur le sein de Thérèse ; il avait trouvé des larmes secourables il n’entendit pas l’arrivée de Nathalie ; il ne la vit pas, mais, au son de sa voix, ses larmes redoublèrent.

« Ce que Dieu unit, je ne veux pas le séparer, dit Nathalie en souriant, mais je ne puis vous unir, et je ne saurais approuver que la douleur et l’amour semblent bannir absolument de vos cœurs le souvenir de mon frère, »

A ces mots, Wilheim s’arracha des bras de Thérèse. « Où courez-vous ? s’écrièrent les deux amies.

Laissez-moi, dit-il, laissez-moi voir l’enfant que j’ai fait