Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/523

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE WILIIELM MEISTER. 519

tue de marbre représentait un homme vénérable, appuyé sur un coussin. Il tenait un manuscrit roulé sur lequel son regard s’arrêtait avec une attention tranquille.

Le rouleau était tourné de façon qu’on y pouvait lire aisément ces mots ~o~e à vivre

Nathalie, après avoir enlevé un bouquet fané, plaça le nouveau devant la statue de son oncle, car c’était lui que représentait la statue, et Wilhelm crut se rappeler les traits du vieux seigneur qu’il avait vu dans la forêt.

« Nous avons passé bien des heures dans cette salle, dit Nathalie, jusqu’à ce qu’elle fût achevée. Dans ses dernières années, mon oncle avait appelé près de lui quelques artistes habiles, et son plus grand plaisir était de les aider à inventer et à choisir les dessins et les cartons de ces tableaux, »

Wilheim ne pouvait assez admirer les objets qui l’entouraient.

Que de vie, disait-il, dans cette Salle du passé ! On pourrait tout aussi bien la nommer la salle du présent et de l’avenir. Ainsi furent toutes choses ; ainsi seront-elles Rien n’est passager que l’individu, qui jouit et contemple. Cette image de la mère qui presse son enfant sur son cœur verra passer bien des générations de mères heureuses ; après des siècles peut-être, un père contemplera avec joie cet homme à longue barbe, qui oublie sa gravité et joue avec son fils. Dans tous les temps, la fiancée attendra son époux avec cette pudeur, et, au milieu de ses vœux secrets, aura besoin qu’on la rassure et la console ; l’époux prêtera l’oreille sur le seuil de la porte, avec la même impatience, pour savoir s’il ose le franchir. »

Les regards de Wilhelm se promenaient sur d’innombrables tableaux. Depuis le joyeux instinct de l’enfance, qui exerce et déploie ses membres dans les jeux, jusqu’à la gravité tranquille du sage retiré du monde, on pouvait voir, dans une suite de belles et vivantes peintures, que l’homme ne possède aucune force, aucune inclination native, sans la mettre en usage. Depuis le premier sentiment de satisfaction naïve chez la jeune fille, qui tarde à retirer sa cruche de l’eau limpide, où elle se plaît à contempler son image, jusqu’à ces grandes solennités, où les rois et les peuples prennent, devant les autels, les dieux