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DE WILHELM MEISTER. 515

tendent ces mystères, je l’ignore ; mais ce dernier dessein, de me ravir Thérèse, ne m’est que trop évident. D’un côté, on ne me présente peut-être que comme un leurre la possibilité du bonheur de Lothaire ; de l’autre, je vois ma bien-aimée, ma vertueuse fiancée, qui m’ouvre ses bras et m’appelle. Que dois-je faire ? Que dois-je éviter ?

Un peu de patience, dit Nathalie, un peu de réflexion. Dans ce bizarre enchaînement, je ne puis affirmer qu’une chose, c’est qu’il ne faut pas précipiter une démarche irrévocable. Contre une fable contre un dessein artificieux, nous avons pour nous la persévérance et la sagesse ; nous saurons bientôt si la chose est vraie ou controuvée. Si mon frère peut vraiment espérer de s’unir à Thérèse, il serait cruel de lui ravir pour jamais ce bonheur, au moment où il vient lui sourire. Attendons seulement qu’il nous dise s’il sait quelque chose, s’il croit, s’il espère luimême. j’

Une lettre de Lothaire vint heureusement à l’appui de ces conseils.

« Je ne vous renvoie pas Jarno, écrivait-il ; une ligne de ma main te persuadera mieux que tous les discours d’un messager. Je suis certain que Thérèse n’est pas la fille de sa mère, et je ne puis renoncer à l’espérance de la posséder, avant qu’elle en soit aussi persuadée, et qu’ensuite elle ait décidé, avec calme et réflexion, entre notre ami et moi. Je t’en prie, retiens-le auprès de toi. Le bonheur, la vie de ton frère en dépendent. Je te promets que cette incertitude ne durera pas longtemps. » Vous voyez où en sont les choses dit affectueusement Nathalie donnez-moi votre parole d’honneur que vous ne quitterez pas le château.

Je la donne, dit-il, en lui tendant la main ; je ne partirai pas contre votre volonté. Je rends grâce à Dieu et a mon bon génie d’être dirigé cette .fois, et surtout de l’être par Nathalie. »

Elle écrivit à Thérèse tout ce qui s’était passé, et déclara qu’elle ne donnerait pas congé à son ami elle lui adressa en même temps la lettre de Lothaire. Thérèse répondit «Je suis fort surprise que Lothaire lui-même soit convaincu. 11 n’userait pas avec sa sœur d’une telle dissimulation. Je suis fàchée, très