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DE WILIIELM MEISTEH. 507

Maintenant, disait-elle, Mignon ne grimpe et ne saute plus, mais elle sent toujours le désir de se promener sur les sommets des montagnes, de s’élancer d’une maison sur une autre, d’un arbre sur un autre. Qu’ils sont dignes d’envie les oiseaux, surtout’quand ils bâtissent leurs nids, si charmants et tranquilles »

Mignon prit bientôt l’habitude d’inviter assez souvent son ami à descendre au jardin était-il occupé ou absent, Félix prenait sa place ; et si, dans certains moments, la bonne jeune fille semblait tout à fait détachée de la terre, dans d’autres, elle paraissait de nouveau s’attacher fortement au père et au fils, et redouter, plus que tout le reste, de se séparer d’eux. Nathalie en fut préoccupée ; elle dit à Wilheim

« Nous avons désiré par votre présence épanouir de nouveau ce pauvre cœur je ne sais trop si nous avons bien fait. Elle se taisait et paraissait attendre que Wilhelm s’expliquât. Il vint à songer aussi que, dans les circonstances présentes, son mariage avec Thérèse mettrait Mignon au désespoir ; mais, dans l’incertitude où il était, il n’osait parler de ses intentions ; il ne soupçonnait pas que Nathalie en fût informée. C’était avec la même contrainte qu’il soutenait la conversation, quand sa noble amie parlait de la comtesse, faisait l’éloge de ses belles qualités, et plaignait son état. 11 fut vivement troublé, quand Nathalie lui annonça qu’il verrait bientôt cette dame.

« Son mari, lui dit-elle, n’a plus d’autre pensée que celle de remplacer le comte de Zinzendorf chez les frères Moraves, de soutenir et d’étendre par ses lumières et ses travaux cette grande institution. Ils viendront bientôt nous faire, en quelque façon, leurs adieux ; ensuite le comte visitera les divers lieux où la communauté s’est établie. On paraît le traiter selon ses désirs, et je crois même qu’il risquera, avec ma pauvre sœur, un voyage en Amérique, afin de ressembler parfaitement a son prédécesseur. Comme il est fort disposé à croire qu’il lui manque peu de chose pour être un saint, il peut se sentir quelquefois la fantaisie de conquérir enfin a son tour l’auréole du martyr. »