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DE WILHELM MEISTEJ~. ~85

qu’il va être éclairé sur lui-même. Toutes les transitions sont des crises, et une crise n’est-elle pas une maladie ? Après une maladie avec quelle répugnance on se regarde au miroir On se sent mieux, et l’on ne voit que les ravages du mal passé. Cependant Wilhelm était assez préparé. Déjà les circonstances lui avaient parlé vivement ; ses amis ne l’avaient pas ménagé, et, bien qu’il déroulât le manuscrit avec quelque précipitation il devint toujours plus tranquille, à mesure qu’il avança dans sa lecture. Il trouva l’histoire détaillée de sa vie, esquissée à a grands traits ; nul événement isolé, nuls sentiments étroits, ne troublèrent son regard ; des observations générales pleines de bienveillance le dirigeaient sans l’humilier, et il vit, pour la première fois, son image hors de lui, non pas comme dans un miroir, un second lui-même, mais comme dans un portrait, un autre lui-même on ne se reconnaît pas sans doute à chaque trait, mais on est charmé de voir qu’un penseur nous a compris, qu’un grand talent nous a reproduits ; de telle sorte, qu’une image de ce que nous fûmes subsiste encore et pourra durer plus longtemps que nous.

Wilhelm s’occupa dès lors a rédiger pour Thérèse l’histoire de sa vie, dont le manuscrit lui avait rappelé toutes les circonstances, et il rougissait de n’avoir, en présence des grandes vertus de cette aimable femme, rien à produire qui pût témoigner une sage activité. Autant son récit fut détaillé, autant sa lettre fut courte il demandait à Thérèse son amitié, son amour, s’il était possible ; il lui offrait sa main et il implorait une prompte décision.

Après avoir débattu quelque temps en lui-même, s’il devait consulter ses amis Jarno et l’abbé dans cette affaire importante, il prit le parti de se taire. Il était trop fermement résolu la chose était trop importante, pour qu’il eût consenti a la soumettre à la décision de l’homme le meilleur et le plus sage il eut même la précaution de porter sa lettre au bureau de poste le plus voisin. Peut-être avait-il éprouvé un sentiment pénible, a la pensée que tant de fois, dans les circonstances de sa vie où il croyait agir librement et en secret, on l’avait observé et même dirigé, comme cela paraissait clairement par le manuscrit, et maintenant il voulait du moins parler à Thérèse cœur a cceur,