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46C LES ANNÉES n’APPRENTISSAGE

de venir, mais pas avant la nuit tombante. H la reçut fort mal et lui dit

.< Il n’y a rien de plus honteux au monde que de faire métier de fausseté et de mensonge. Tu as déjà fait ainsi beaucoup de mal, et maintenant, que ta parole pourrait décider du bonheur de ma vie, je suis dans le doute, et je n’ose presser dans mes bras l’enfant dont la possession tranquille me rendrait heureux. Infâme créature, je ne puis te voir sans haine et sans mépris !

S’il faut vous parler franchement, répliqua-t-elle, votre manière d’agir m’est insupportable. Et, quand il ne serait pas votre fils, c’est le plus agréable et le plus bel enfant du monde ; on l’achèterait à grand prix, pour l’avoir toujours près de soi. N’est-il pas digne de votre atTection ? N’ai-je pas mérité, pour mes soins et ma peine, un peu de pain jusqu’à la fin de mes jours ? Vous autres messieurs, à qui rien ne manque, vous pouvez, tout à votre aise, parler de vérité et de franchise ! Mais, de savoir comment une pauvre créature, qui ne trouve pas de quoi subvenir à ses plus pressants besoins ; qui se voit, dans sa détresse, sans ami, sans conseil, sans secours comment elle pourra se pousseràtravers un monde égoïste etmener sans bruit sa misérable vie il y aurait là-dessus bien des choses à dire, si vous pouviez et vouliez l’entendre. Avez-vouslu les lettres de Marianne ? Ce sont les mêmes qu’elle vous écrivit dans cetemps malheureux. Je fis de vains efforts pour arriver jusqu’à vous, pour vous les remettre. Votre cruel beau-frère vous avait si bien entouré que toute ma ruse et mon adresse furent inutiles ; et, comme il finit par nous menacer l’une et l’autre de la prison, il fallut bien renoncer à toute espérance. Tout ne s’accorde-t-il pas avec mon récit, et la lettre de Norberg ne met-elle pas toute l’histoire hors de doute ?

Quelle lettre ? demanda Wilhelm.

Ne l’avez-vous pas trouvée dans le portefeuille ?

Je n’ai pas encore tout lu.

Donnez-moi le portefeuille cette lettre est la pièce essentielle. Un malheureux billet de Norberg a causé cette fatale confusion un autre écrit de sa main déliera le nœud, pour autant que le fil en vaille la peine encore, »