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462 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

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patience de vous revoir ; elle n’attend point dans une chambre voisine le succès de mon récit ou de ma fable ; elle est descendue dans la noire cellule où l’on n’est pas suivie du fiancé, d’où l’on ne vient pas au-devant du bien-aimé.

A ces mots, la vieille se prosterna sur le plancher devant une chaise et pleura amèrement. Alors enfin Wilhelm fut persuadé que Marianne était morte il était dans la plus vive douleur. La vieille se releva.

Je n’ai plus rien à vous apprendre, dit-elle, en jetant un paquet sur la table. Les lettres que voici achèveront peut-être de confondre votre cruauté. Lisez-les d’un œil sec, si vous pouvez. u

Elle s’échappa sans bruit, et Wilhelm n’eut pas, cette nuit, le courage d’ouvrir le portefeuille. C’était un cadeau qu’il avait fait à Marianne ; il savait qu’elle y renfermait soigneusement le moindre billet qu’elle recevait de lui. Le lendemain, il fit un effort sur lui-mème ; il délia le ruban, et il vit tomber de petits billets, écrits au crayon de sa propre main, qui lui rappelèrent chaque moment, depuis le jour de leur agréable rencontre jusqu’à celui de leur cruelle séparation. Mais ce ne fut pas sans la plus vive douleur qu’il parcourut une suite de billets, qui lui étaient adressés, et que Werner avait renvoyés, comme il le vit par le contenu.

Aucune de mes lettres n’a pu te parvenir ; mes prières et mes supplications ne sont pas arrivées jusqu’à toi. As-tu donné toi-même ces ordres cruels ? Ne dois-je plus te revoir ? Je fais encore une tentative. Je t’en prie, viens, oh ! viens ! Je ne veux pas te retenir ; mais que je puisse te presser encore une fois sur mon cœur. »

« Lorsque j’étais assise auprès de toi, tes mains dans les miennes, mes yeux fixés sur les tiens, et te disais, le cœur plein de confiance et d’amour « 0 le plus cher et le meilleur des « hommes tu écoutais avec plaisir ce langage ; il fallait te le répéter souvent. Je le répète encore une fois 0 le plus cher et le meilleur des hommes, sois bon comme tu l’étais, viens et ne me laisse pas périr dans ma misère. »