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452 LES ANNEES D’APPRENTISSAGE

CHAPITRE VIII.

Wilhelm, en retournant à la ville, rêvait aux nobles femmes qu’il avait connues et dont il avait oui parler ; il se représentait douloureusement leurs singulières destinées, où le bonheur tenait si peu de place.

« Pauvre Marianne se disait-il, que dois-je apprendre encore sur ton sort ? Et toi, belle amazone, génie tutélaire, à qui je suis si redevable, que je me flatte partout de rencontrer, et ne trouve, hélas ! nulle part, dans quelle triste situation te verrai-je peut-être, si tu dois un jour t’offrir à mes yeux ! Arrivé à la ville, il ne rencontra aucune de ses connaissances au logis. Il courut au théâtre, où il croyait trouver les comédiens à la répétition tout était silencieux ; la maison semblait vide ; cependant il vit un volet ouvert. Quand il fut sur la scène, il trouva la vieille servante d’Aurélie occupée à. coudre des toiles pour une décoration nouvelle ; il n’entrait dans la salle que la lumière nécessaire pour son travail. Félix et Mignon étaient assis auprès d’elle sur le plancher. Ils tenaient ensemble un livre, et, tandis que Mignon lisait à haute voix, Félix répétait tous les mots après elle, comme s’il avait su lire lui-même. Les enfants se levèrent en sursaut et saluèrent le voyageur. Il les embrassa avec la plus vive tendresse et les mena près de la vieille.

« Est-ce toi, lui dit-il d’un ton grave, qui as amené cet enfant à Aurélie ? »

Elle leva les yeux de dessus son ouvrage et regarda Wilheim ; il la vit en pleine lumière, fut saisi de frayeur, et recula de quelques pas c’était la vieille Barbara !

« Où est Marianne ? s’écria-t-il.