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428 LES ANNËES S D’APPRENTISSAGE

nous nous reposâmes si souvent de nos chasses et de nos promenades doit y concourir. »

Ils partirent, et, en chemin, Thérèse dit à son compagnon « Il n’est pas juste que vous me laissiez seule parler ; déjà vous en savez assez sur mon compte, et je ne sais pas encore la moindre chose de vous. Faites-moi quelques confidences,. afin que je prenne le courage de vous exposer ma vie et mon histoire.

–Hélas ! répondit Wilhelm, je n’ai rien à raconter qu’une suite d’erreurs, d’égarements, et je ne sache personne à qui je voudrais cacher plus qu’à vous les désordres dans lesquels je me suis trouvé et me trouve encore. Votre regard et tout ce qui vous entoure, votre caractère et votre conduite, me montrent que vous pouvez jouir de votre vie passée ; que vous avez suivi, avec constance, une route belle et pure ; que vous n’avez point perdu de temps ; que vous n’avez aucun reproche à vous faire. Thérèse sourit, et répliqua

c Il faut savoir si vous penserez encore ainsi, quand vous aurez entendu mon histoire. J’

Ils cheminaient toujours, et, parmi quelques réflexions générales, Thérèse dit à Wilhelm

« Êtes-vous libre ?

Je crois l’être, répondit-il, mais ne le désire pas.

Fort bien, dit-elle, cela nous annonce un roman compliqué, et me montre que vous aurez aussi bien des choses à me dire.

En parlant ainsi, ils montèrent la colline, et s’assirent sous un grand chêne, qui répandait un vaste ombrage.

« Ici, dit-elle, sous l’arbre de son pays, une jeune Allemande vous fera son histoire. Écoutez-moi avec patience.

< Mon père était un riche gentilhomme de cette province c’était un homme agréable, intelligent, actif, laborieux, tendre père, loyal ami, hôte excellent, à qui je n’ai connu qu’un défaut c’était une excessive indulgence pour sa femme, qui ne savait pas l’apprécier. C’est avec regret que je dois parler ainsi de ma mère. Son caractère différait absolument de celui de son mari. Elle était brusque et volage, sans amour pour sa maison et pour moi, son unique enfant ; elle était prodigue, mais belle,