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DE WILHHLM MEISTEH. 409

CHAPITRE II.

Wilhelm fut averti par le jeune garçon que le déjeuner était servi. Il trouva l’abbé dans la salle et apprit de lui que Lothaire était sorti à cheval. L’abbé parlait peu, et semblait rêveur. Il demanda des détails sur la mort d’Aurélie, et il écouta avec intérêt le récit de Wilhelm.

« Ah ! s’écria-t-il, celui qui se représente vivement quelle suite infinie d’opérations sont nécessaires à l’art et à la nature, pour former et développer la créature humaine celui qui prend lui-même toute la part qu’il peut à l’éducation de ses frères, pourrait tomber dans le désespoir, quand il voit avec quelle témérité l’homme se détruit souvent et s’expose souvent à se détruire avec ou sans crime. Lorsque j’y songe la vie même semble un don si fragile, que je dois louer quiconque ne l’estime pas plus que de raison. »

A peine avait-il parlé que la porte s’ouvrit avec violence une jeune dame s’élança dans la chambre et repoussa le vieux serviteur qui voulait lui fermer le passage. Elle courut droit à l’abbé et, le saisissant par le bras, elle lui dit avec effort, d’une voix entrecoupée par les sanglots

« Où est-il ? Qu’en avez-vous fait ? C’est une abominable trahison Avouez ! Je sais ce qui se passe. Je veux le suivre. Je veux savoir ou il est.

–Calmez-vous, mon enfant, dit l’abbé avec une tranquillité affectée. Venez dans votre chambre ; vous saurez tout ; mais il faut que vous soyez en état d’écouter ce que j’ai à vous dire. » Il lui présenta la main, dans la pensée de l’emmener. « Je n’irai pas dans ma chambre, s’écria-t-elle. Je hais les murs entre lesquels vous me tenez depuis si longtemps captive.