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406 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

Il s’y était déjà trompé plusieurs fois, et il commençait à se sentir de fort mauvaise humeur lorsqu’enfin il vit s’avancer, par une porte latérale, un bel homme, en redingote fort simple et en bottes.

< Quelle bonne nouvelle m’apportez-vous ? dit-il à Wilhelm, d’une voix amicale. Excusez-moi de vous avoir fait attendre. » En disant ces mots, il pliait une lettre, qu’il tenait à la main. Wilhelm lui remit, non sans embarras, celle d’Aurélie et lui dit

Je vous apporte les derniers adieux d’une amie vous ne les lirez pas sans émotion.

Lothaire prit la lettre et retourna aussitôt dans son cabinet, et, comme Wilhelm put très-bien le voir par la porte ouverte, il mit encore à plusieurs lettres l’adresse et le cachet, puis il ouvrit et lut celle d’Aurélie. Il sembla la parcourir plusieurs fois. Wilhelm sentait bien que son discours pathétique ne cadrait pas avec un accueil si simple, mais il fit un effort sur luimême, il s’avança brusquement sur le seuil, et il allait commencer sa harangue, quand une portière s’ouvrit dans le cabinet, et l’ecclésiastique parut.

Je reçois la plus étrange dépêche du monde, s’écria Lothaire en allant à lui. Excusez-moi, monsieur, poursuivit-il en s’adressant à Wilhelm, mais je ne saurais m’entretenir avec vous dans ce moment. Vous passerez la nuit chez nous abbé, veillez, je vous prie, à ce que notre hôte ne manque de rien. » A ces mots, Lothaire salua Wilheim ; l’abbé le prit par la main et l’entraîna malgré lui.

Ils suivirent en silence de mystérieux corridors et arrivèrent dans une chambre fort jolie. Le prêtre l’y introduisit et l’y laissa sans autres excuses. Bientôt après, parut un jeune garçon, à l’air éveillé, qui s’annonça comme étant à ses ordres il lui servit à souper, et, tout en le servant, il lui donna quelques détails sur les usages de la maison, sur les repas, les travaux, les plaisirs, ajoutant beaucoup de choses à la louange de Lothaire. Si agréable que fût ce jeune garçon, Wilhelm le congédia bientôt il désirait être seul, car il se sentait dans un état de gêne et d’angoisse. Il se faisait des reproches d’avoir si mal accompli son dessein, de n’avoir rempli son message qu’à moitié