Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/402

Cette page n’a pas encore été corrigée

398 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

comme une chose extérieure ; il savait que je connaissais assez bien ma constitution, mon mal et les moyens de traitement, et que mes longues souffrances et celles de mes alentours avaient fait de moi un demi-médecin il attira mon attention, de la connaissance du corps humain et des substances officinales, aux objets voisins, que présente la création ; il me promena comme dans le paradis, et, pour continuer ma comparaison, ce fut seulement à la fin, qu’il me fit entrevoir de loin le Créateur se promenant, à la fraîcheur du soir, dans le jardin.

Que j’aimais à voir maintenant dans la nature ce Dieu, que je portais si certainement dans mon cœur Qu’elle était pour moi intéressante l’œuvre de ses mains, et combien ma reconnaissance était vive, qu’il eût daigné m’animer d’un souffle de sa bouche !

Ma sœur nous donnait de nouveau l’espérance de ce garçon si vivement désiré par mon beau-frère, mais il ne le vit pas naître. Cet homme laborieux mourut d’une chute de cheval, et ma sœur le suivit dans la tombe, après avoir mis au monde un beau garçon. Je ne pouvais considérer leurs quatre orphelins qu’avec mélancolie. Tant de personnes robustes m’avaient devancée, moi, faible et maladive ! Ne verrais-je pas tomber peut-être quelques-unes de ces fleurs pleines d’espérance ? Je connaissais assez le monde pour savoir combien de périls environnent la croissance d’un enfant, surtout dans les classes élevées et il me semblait que ces dangers avaient encore augmenté, dès le temps de ma jeunesse, pour la génération nouvelle. Je sentais qu’avec ma faiblesse, je ne pourrais rien faire ou ne ferais que peu de chose pour ces enfants. J’accueillis avec d’autant plus de joie la résolution de mon oncle, qui fut la suite naturelle de ses principes, de consacrer tous ses soins à l’éducation de ces aimables êtres. Assurément ils le méritaient sous tous les rapports ; ils étaient bien faits, et, quoique fort différents les uns des autres, ils promettaient tous d’être bons et sages.

Depuis que mon cher docteur avait éveillé chez moi l’esprit d’observation, je me plaisais à étudier les ressemblances de famille chez les enfants et les parents. Mon père avait conservé soigneusement les portraits de ses ancêtres ; il s’était fait peindre lui-même, ainsi que ses enfants, par d’assez bons maîtres ; ma